Face à la menace potentielle d'un astéroïde, la défense planétaire s'organise
Comment réagirait l'humanité si un astéroïde se dirigeait droit vers la terre, lui faisant courir un immense danger? C'est la question sur laquelle planche le Groupe juridique international de défense planétaire des Nations unies dirigé par la scientifique française Alissa Haddaji.
Son rôle est "de décider de la meilleure mission scientifique possible pour pousser cet astéroïde", affirme la scientifique qui dirige également le Consortium spatial de Harvard & MIT, invitée cet été du Festival d'astronomie de Fleurance (Gers).
Cette réflexion sous l'égide de l'Onu est menée en parallèle de la mission expérimentale DART de la Nasa, dont le vaisseau doit percuter un astéroïde fin septembre, pour dévier sa trajectoire.
Question: A quels risques la défense planétaire doit-elle permettre de faire face?
Réponse: "La défense planétaire vise à savoir ce qui doit être fait en cas de menace d'un astéroïde ou d'une comète. Si on découvre un objet qui fait plus de 50 mètres de diamètre et qui a plus d'1% de chance d'impacter la terre, on active le groupe consultatif SMPAG (Space mission planning advisory group, NDLR), approuvé par le comité scientifique du conseil des affaires spatiales des Nations unies et composé des agences spatiales de différents pays. Si l'astéroïde fait plus de 300 mètres, on parle d'impact continental, et s'il fait plus d’un kilomètre, 25% des espèces vivantes seraient éradiquées. S'il fait 50 mètres, on a donc un risque national de manière large."
Q: Quelles méthodes sont envisagées en cas de menace d'un astéroïde?
R: "Ce n'est surtout pas +Armageddon+, en faisant exploser l'astéroïde, car créer plus de morceaux n'est pas souhaitable. Il serait possible de le percuter et de le pousser grâce à cet impact, ce que les missions DART de la NASA et Hera de l'Agence spatiale européenne (ESA) vont tester très prochainement. Si l'astéroïde est très gros ou que l'on s'y prend très tard, il serait possible de provoquer une explosion d'une charge nucléaire à côté de l'astéroïde, faisant ainsi fondre une partie de la roche qui se détacherait et le pousserait de l'autre côté, par réaction."
Q: Dans quel cadre juridique se déroulerait une telle intervention?
R: "Il est stipulé dans le Traité de l'espace qu'il est interdit d'envoyer une arme dans l'espace. De plus, le Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires interdit toute explosion nucléaire. S'il s'avérait que l'on ait besoin d'envoyer une charge nucléaire, il faudrait que le Conseil de sécurité des Nations unies supplante temporairement ces règles en autorisant une dérogation à ce traité. On se retrouve alors à suivre les règles propres au Conseil de sécurité de l'ONU avec 15 membres, cinq vétos possibles. Sur les 15 membres, il faut qu'il y en ait au moins neuf qui se mettent d'accord sans véto."
Q: Comment la décision serait-elle prise ?
R: "Des schémas de prise de décision ont été élaborés. Le groupe IAWN (International Asteroid Warning Network, NDLR), chargé de détecter les astéroïdes et d'évaluer les risques, préviendrait les Nations unies et le groupe SMPAG ainsi que les politiques du ou des pays possiblement affectés. La décision sera prise au niveau politique sur conseil de SMPAG."
Q: Le spatial est-il affecté par les tensions internationales actuelles?
R: "C'est là qu'on voit le rôle du spatial. C'est un domaine où, par essence, tout le monde a besoin de tout le monde. C'est une de ses particularités les plus précieuses. Le fait qu'on ait un Traité de l'espace merveilleux datant de 1967, adopté par 111 nations, qui dit que le spatial n'est à personne, qu'il est là pour la liberté scientifique d'exploration, permet de trouver des solutions même quand il y a des tensions. Le principe de la station spatiale internationale, où tous les pays travaillent ensemble pour un but commun de compréhension de l'univers, est inspirant. Avec les tensions internationales actuelles, peut-être que les choses vont changer, pour l'instant on ne sait pas. Mais on est dans un domaine où le savoir guide, et où les experts scientifiques ont leur mot à dire dans les décisions."
P. Hansen--BTZ