La mort d'Yves Coppens, l'un des "pères" de Lucy, laisse la paléontologie orpheline
Il se disait "habité par la préhistoire": le paléontologue français Yves Coppens, co-découvreur de la célèbre australopithèque Lucy, est décédé mercredi à l'âge de 87 ans, laissant de nombreux scientifiques "orphelins".
"La France perd un de ses grands hommes. Je perds l'ami qui m'a confié toute son oeuvre", s'est émue son éditrice Odile Jacob en annonçant le décès du scientifique sur Twitter.
Paléontologue de renommée mondiale, professeur émérite au prestigieux Collège de France et membre de l’Académie des sciences, a consacré sa vie à raconter l'épopée humaine, qu'il a su rendre accessible à tous grâce à son talent de conteur.
"Seul en scène, face au public, je suis très heureux", disait-il au Monde, en janvier dernier, avouant "apprécier ce petit vedettariat".
L'annonce de son décès, des suites d'une longue maladie, a déclenché une pluie d'hommages dans la communauté scientifique. La ministre de la Recherche, Sylvie Retailleau, a salué le legs de ce "chercheur passionné et passionnant, excellent pédagogue".
"Il a montré la voie à toute une génération de chercheurs. Il a été notre modèle et notre soutien", a tweeté le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin connu pour avoir découvert le plus ancien représentant connu d'Homo sapiens au Maroc (315.000 ans).
Pour le président de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), Dominique Garcia, "Le père de Lucy laisse beaucoup d'orphelins".
"On est tous des héritiers d'Yves Coppens", a confié à l'AFP Antoine Balzeau, chercheur au CNRS et au Musée de l'Homme.
Ce paléoanthropologue souligne le rôle "public, médiatique et politique gigantesque" qu'a joué Yves Coppens dans les années 1970 pour "rendre nos disciplines populaires". "En France, l'histoire de l'Homme est extrêmement positive, et Yves Coppens y est pour beaucoup", explique Antoine Balzeau.
Né en août 1934 à Vannes, dans le Morbihan, Yves Coppens a attrapé très jeune "l'exotite", l'attrait de l'ailleurs, racontait le scientifique dans un entretien à l'AFP, en 2018, à l'occasion de la sortie de son ouvrage "Origine de l'Homme, origine d'un homme". Il y narrait sa passion pour l'archéologie et ses fructueuses expéditions en Afrique, se disant, à 83 ans, "habité et hanté par la préhistoire".
"J'étais très attiré par l’archéologie, mais aussi par le voyage. Peut-être parce que, dans ma famille maternelle bretonne, il y avait beaucoup de gens de mer", disait-il dans un récent entretien au Monde.
-le visage de la paléontologie-
Yves Coppens part en expédition en Afrique à partir de 1960, en commençant par l'Algérie et le Tchad.
En 1967, il découvre un fossile d'hominidé bipède vieux de 2,6 millions d'années, dans la vallée de la rivière Omo (Ethiopie). Mais avec son expédition de 1974 dans la dépression de l'Afar qu'il va devenir l'un des visages les plus célèbres de la paléontologie.
Avec le géologue Maurice Taieb et l'Américain Donald Johanson, ils mettent au jour 52 fragments d'ossements. C'est à l'époque le fossile d'hominidé le plus complet jamais trouvé. Les chercheurs le surnomment Lucy, comme la chanson des Beatles "Lucy in the Sky with Diamonds" en étiquetant les os. Il s'agit d'un Australopithecus afarensis, âgé de 3,2 millions d'années.
Du fait de sa bipédie, les scientifiques ont longtemps cru que Lucy était la "grand-mère de l'humanité". Mais pour Yves Coppens qui se présentait comme l'un de ses "papas", Lucy est plutôt d'une très ancienne cousine.
Au cours de sa foisonnante carrière, il a notamment présidé le conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte de Lascaux, avant de passer le flambeau en 2017.
Ce passionné du passé se préoccupait aussi de l'avenir.
Il a ainsi préparé en 2002 la Charte de l'Environnement voulue par le président Jacques Chirac et qui sera intégrée dans la Constitution française en 2005.
Avant que la maladie ne l'emporte, il avait confié être taraudé par l'un des grands mystères de l'évolution: "à quoi ressemblait notre ancêtre commun avec les chimpanzés, il y a dix millions d’années".
M. Taylor--BTZ