Veolia: Estelle Brachlianoff dans les pas d'Antoine Frérot
Bientôt à la tête de Veolia, Estelle Brachlianoff compte bien se mettre dans les pas d’Antoine Frérot, qui après 12 ans à la direction du géant de l'eau et des déchets lui laisse un groupe profitable et élargi, dont il restera tout de même président.
La nouvelle directrice générale prendra ses fonctions le 1er juillet, troisième femme à assumer aujourd'hui de telles responsabilités au sein du CAC40.
Numéro deux de Veolia depuis quatre ans, la dauphine d'Antoine Frérot a été désignée, sans surprise, dès janvier par le conseil d'administration. L'assemblée générale des actionnaires doit en revanche acter mercredi la dissociation des postes de direction, qu'ont souhaitée les administrateurs, en laissant au PDG sortant sa fonction de président.
A quelques jours du passage de témoin, Estelle Brachlianoff apparaît préparée.
"Cela fait déjà un certain temps qu'Antoine me confie des sujets, un par un, de plus en plus nombreux", explique à l'AFP cette Polytechnicienne de 49 ans, chez Veolia depuis 2005.
"J'ai été en première ligne à ses côtés" pour gérer le Covid. "Et plus récemment tout le sujet du rachat de Suez, qui est l'oeuvre d'Antoine, mais derrière il a fallu continuer à livrer des bons résultats, et préparer le rapprochement des effectifs, le casting dans chaque pays. Cela fait trois mois qu'on a les clés (de 60% de Suez, ndlr) et ça se passe très bien parce que cela fait un certain temps que cela se prépare".
- "Du concret" -
Enfant, la future patronne se rêvait surtout astronaute, ou astrophysicienne. Sa mère, ingénieure à l'Aérospatiale (futur Airbus Group) lui apprend à suivre ses envies: "Choisis ce que tu veux et après tu y vas".
Ce sera finalement une prépa Maths Sup-Maths Spé, puis l'X et l'École nationale des ponts et chaussées. Sa carrière commence dans les infrastructures de transport du Val-d'Oise: "j'ai besoin de concret, de terrain", d'arpenter les chantiers, dit-elle.
"Mon CV peut paraître très linéaire: les bonnes écoles, un premier poste, la fonction publique, puis des postes de plus en plus gros... Mais ce n'est pas comme ça que je l'ai vécu: mon moteur a toujours été la curiosité. Je me dis toujours +pourquoi pas?, essayons+".
A son arrivée chez Veolia, elle choisit le nettoyage industriel, "petites marges, pas beaucoup de technique, beaucoup d'humain... J'ai adoré". Ce sera ensuite les déchets franciliens, puis en Grande-Bretagne, où elle développe l'économie circulaire et transforme une direction très locale et très masculine.
Sur sa feuille de route désormais: maintenir les résultats "malgré l'inflation, la guerre en Ukraine..." et poursuivre un plan stratégique axé sur les déchets dangereux, le recyclage... pour en faire le fameux "champion de la transformation écologique".
Il faut aussi "réussir le rapprochement avec Suez. A court terme, ce sont les synergies de coûts, à moyen terme c'est faire de nouvelles offres", dit-elle. Et il y a "l'aspect humain. La bataille (de l'OPA) a été rude. Je passe du temps à voir les équipes".
Socialement, quelle patronne sera-t-elle? "Antoine Frérot est un patron qui a depuis toujours mis en avant les parties prenantes, le fait que l'entreprise devait être utile pour être prospère et j'ai très envie de poursuivre. Avec bien sûr les sujets qui se présenteront, comme à court terme celui du pouvoir d'achat, sur lequel je suis en train de travailler pour pouvoir accompagner nos salariés".
Les syndicats ne disent pas autre chose. "Elle a été formée par Antoine Frérot, elle n’est pas fermée. On n’est ni inquiet, ni optimiste, on ne sera pas toujours d’accord, mais au moins il y aura un échange", dit Vincent Huvelin, représentant CGT.
"Les femmes DG, dans les entreprises du CAC40, on les compte sur les doigts d’une main, ce qui veut dire qu’elle est combative", souligne aussi Patricia Béhal, représentante CFE-CGC.
Estelle Brachlianoff a récemment signé une tribune de polytechniciennes encourageant les filles à oser les maths quand la part des étudiantes tourne autour de 20% à l'X. Autre recette pour réussir selon elle, "choisir le bon compagnon de route", dit cette épouse d'un dirigeant d'entreprise de taille intermédiaire, maman d'une fille et d'un garçon, désormais adolescents.
S. Soerensen--BTZ