Voile: au cap Horn, "des conditions un peu animales" pour Pilliard et Pella
Engagés depuis un mois dans une tentative de record du tour du monde à la voile à l'envers, contre vents et courants dominants, Romain Pilliard et Alex Pella viennent de franchir le mythique cap Horn dans "des conditions un peu animales".
Après avoir rencontré des vents violents au large de l'Argentine, ils ont dû se mettre à l'abri quelques jours pour réparer la grand voile et attendre des conditions plus favorables. Ils ont ensuite tiré des bords au près pendant 36 heures jusqu'au fameux cap.
Dans le troisième épisode de leur carnet de bord pour l'AFP, ils racontent les efforts et l'émotion, conscients de n'en être qu'au début de leur périple.
Partis sur le trimaran Use it again, ils ont à peine 3 jours d'avance sur les temps de passage de Jean-Luc Van Den Heede, qui avait établi le dernier record (122 jours) en solitaire et en monocoque en 2004.
Romain Pilliard: "Nous sommes partis dans la nuit de mardi à mercredi en direction du cap Horn. Au près, avec 35 nœuds de vent établis et des grains allant jusqu'à 47 nœuds, nous avons fait le dos rond en essayant de préserver le mieux possible le matériel et les bonhommes. On dormait sur le pouf, en cirés trempés, avec la couverture de survie. Des conditions un peu animales. Après une nuit glaciale et pas mal de virements de bord, nous y étions (jeudi en début d'après-midi): le cap Horn... J'étais super ému, j'en ai pleuré! Beaucoup d'émotions, de la joie, du soulagement... et un émerveillement, j'étais comme un gamin !"
- "Tellement plus dur" -
Alex Pella: "C'est un soulagement. C'est mon 4e cap Horn et c'est toujours aussi fort. Ca doit être pareil même si tu le passes 1.000 fois, je crois. Et à l'envers, c'est tellement plus dur. Pour l'anecdote, j'ai contacté l'homme qui est dans le phare de l'île du cap Horn. Je l'avais contacté sur l'autre tour du monde (le Trophée Jules Verne avec Francis Joyon en 2017), dans l'autre sens. Je lui ai expliqué et il s'est souvenu que j'étais la même personne et que je partais de l'autre côté cette fois. Le passage en lui-même est beaucoup plus dur car il y a beaucoup de courant, la mer est très courte, on a fait beaucoup de bords. Alors que dans l'autre sens, ça va tout droit. Et surtout, dans l'autre sens, tu as déjà fait l'Atlantique, l'Indien et le Pacifique, alors tu es soulagé de voir le cap Horn. Là, c'est différent. On est un peu soulagés mais y a encore beaucoup de route à faire".
Romain Pilliard: "Le passage du Horn marque le passage dans un nouvel océan, c'est aussi le cap le plus au sud, donc potentiellement le plus dur. Mais la suite est encore plus compliquée. Une grosse dépression évolue défavorablement dans le Pacifique, il est urgent d'attendre. Nous avons un peu remonté le long de la côte chilienne, toujours au près, mais maintenant il est urgent d'attendre. Nous sommes en stand-by à l'entrée du canal Beagle. Ca va nous permettre de faire le tour du bateau pour tout vérifier".
Propos recueillis par Fanny CARRIER
S. Soerensen--BTZ