Pharmaciens en grève, une première depuis dix ans
C'est la première grande grève des pharmaciens depuis dix ans: rideaux baissés jeudi pour alerter sur les pénuries de médicaments, les fermetures d'officines, un possible assouplissement de la vente en ligne. Et réclamer une hausse des rémunérations.
Ce mouvement rassemble tous les représentants de la profession: syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants. La grève n'est pas une tradition chez les pharmaciens, la dernière d'ampleur remonte à dix ans.
Les syndicats prévoient que quelque 90% des pharmacies baisseront le rideau, voire 100% dans plusieurs villes en province, comme Ajaccio, Nice, Avignon, Mâcon ou Roanne.
Dans de nombreux lieux, seules resteront ouvertes les officines réquisitionnées par la préfecture pour assurer la permanence pharmaceutique obligatoire. Beaucoup de pharmacies ont prévenu leur clientèle par mail, écrans ou affiches collées dans les vitrines.
"L'inquiétude principale, c'est la disparition des pharmacies", fragilisées économiquement à la campagne et parfois en ville, indique à l'AFP Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Selon la profession, la France a perdu près de 2.000 officines en dix ans (pour 20.000 officines sur le territoire actuellement).
Les syndicats réclament aussi une revalorisation de leur rémunération dès 2025, faisant valoir l'inflation qui pèse sur les charges. Les dernières propositions de l'Assurance maladie dans le cadre des négociations conventionnelles entamées fin 2023 sont jugées "insuffisantes". Les représentants seront convoqués le 5 juin pour une "réunion conclusive" avec l'Assurance maladie, selon M. Besset.
Des manifestations sont prévues jeudi "un peu partout en province, notamment dans les villes universitaires" avec des "points de ralliement devant la préfecture, l'Agence régionale de santé (ARS) ou la CPAM", indique Jérôme Koenig, directeur général de l'Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo).
- "Marquer le coup" -
Des bus seront affrétés de Rouen pour rejoindre une manifestation à Paris, point d'orgue de la mobilisation avec un cortège qui partira à 15H30 de la faculté de pharmacie pour rejoindre le ministère de l'Economie.
Jérôme Koenig souligne "une volonté de marquer le coup, comme en 2014", date de la précédente grande mobilisation des apothicaires.
Outre l'aspect financier, les pharmaciens veulent mettre l'accent sur les pénuries de médicaments, la fragilisation économique des officines rurales et la réforme du troisième cycle des études de pharmacie qui tarde à aboutir.
Comme en 2014, les représentants de cette profession s'inquiètent aussi d'une possible volonté de simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance.
"Tous les éléments sont là pour tuer le réseau" constitué de quelque 20.000 officines - qui emploient 130.000 personnes au total, résume Pierre-Olivier Variot, président de l'Uspo.
"Il faut raison garder", déclare à l'AFP le député Renaissance Marc Ferracci. Il y a bien "une réflexion pour savoir s'il est pertinent ou non d'assouplir" les règles de vente en ligne des médicaments sans ordonnance, confirme-t-il, mais sans "remettre en question le principe du monopole" par les officines.
Plusieurs syndicats de pharmaciens refusent catégoriquement "les stocks déportés" à un endroit autre que l'officine, et craignent de voir Amazon débarquer un jour sur ce terrain.
"Il ne s'agit pas d'ouvrir quoi que ce soit à la grande distribution ni de mettre des médicaments sur Amazon. Cela n'a aucun sens", assure Marc Ferracci, qui veut mettre fin aux "spéculations" qui ont animé la presse spécialisée ces dernières semaines
F. Dumont--BTZ