Auprès des médecins, le "donnant donnant" du gouvernement ne passe pas
Revaloriser nettement les tarifs des consultations médicales, mais seulement pour les praticiens qui voient le plus de patients: le marché proposé par la "Sécu" aux médecins libéraux ne passe pas chez les intéressés, qui réclament une hausse générale et non conditionnelle.
Les six syndicats de médecins représentatifs ont jusqu'à mardi pour dire s'ils acceptent ou non la nouvelle grille de tarifs des consultations et des aides et autres forfaits proposée par la Sécurité sociale pour cinq ans.
Mais ils sont unanimes à critiquer la hausse largement conditionnelle proposée par la "Sécu" pour augmenter l'offre de soins.
La proposition portée par le directeur général de la Cnam (Caisse nationale d'assurance maladie), Thomas Fatôme, prévoit que toutes les consultations médicales seraient revalorisées de 1,50 euro. Pour les généralistes, cette revalorisation sans condition porterait la consultation de base à 26,50 euros, contre 25 euros depuis 2017.
Les praticiens acceptant de prendre des "engagements territoriaux" obtiendraient un tarif de consultation supérieur, à 30 euros par exemple pour les généralistes.
Ces "engagements territoriaux" prévoient d'atteindre un niveau minimum de patientèle ou embaucher une assistante médicale, ainsi qu'un panachage de critères, dont les participations aux gardes, des ouvertures le samedi matin ou l'exercice dans des déserts médicaux.
- Rôle-clé de MG France -
"Je crois" que le gouvernement et la Cnam "ont fait une croix sur la signature" d'un accord par les médecins, déclare Jérôme Marty, le bouillant président du syndicat UFMLS, qui réclame une hausse non conditionnelle et une consultation à 50 euros pour tous les généralistes.
Le docteur Marty agite désormais la menace d'un déconventionnement de nombreux médecins, désireux de retrouver leur liberté tarifaire.
Le projet d'accord "méprise les médecins" alors qu'"on n'en peut déjà plus" en raison d'un rythme de travail trop élevé, fulmine de son côté Agnès Giannotti, la présidente de MG France, le plus important syndicat de généralistes.
"Quand le gouvernement dit que l'on ne +s'engage+ pas" pour faire face au manque de praticiens, "cela rend les médecins généralistes furieux", qui font "en moyenne 55 heures par semaine", ajoute-t-elle.
MG France joue un rôle-clef dans l'issue des négociations: avec 36,58% des voix aux dernières élections professionnelles, le syndicat a le pouvoir a lui tout seul de valider l'accord pour le compte des généralistes.
Deux autres syndicats de médecins, ensemble, pourraient permettre d'emporter la décision chez les généralistes, mais cette hypothèse est très improbable, tant l'opposition est souvent encore plus vive chez eux que chez MG.
- "Jusqu'au bout" -
Ce dernier va consulter ses instances pendant le week-end, mais "il y a peu de chances" qu'il y ait un vote favorable, avance Agnès Giannotti.
Si le projet d'accord n'est pas approuvé, mardi soir, il reviendra à un "arbitre" de préparer la nouvelle grille tarifaire.
Ancienne inspectrice générale des affaires sociales, Annick Morel ne sera pas tenue de s'appuyer sur l'état actuel des négociations pour préparer sa copie, au risque donc pour les médecins d'avoir lâché la proie pour l'ombre en refusant de signer la proposition de la Cnam.
En 2010, une convention médicale rédigée par un arbitre s'était appliquée pendant un an, avant qu'un nouvel accord ne soit négocié avec succès avec les syndicats.
Dans un dernier effort pour convaincre, Thomas Fatôme a rappelé vendredi que le projet d'accord signifiait 1,5 milliard d'euros de dépenses supplémentaires pour le budget de la Sécurité sociale, dont 600 millions pour les mesures non conditionnelles et 900 millions pour les mesures liées à des engagements sur l'offre de soin.
"Ce que nous proposons doit permettre de répondre aux attentes des deux côtés de la table", à savoir "les assurés sociaux qui ont des inquiétudes sur l'accès aux soins, et les médecins qui ont besoin d'être accompagnés" dans leurs efforts, a-t-il déclaré vendredi devant la presse."C'est la raison pour laquelle nous allons essayer de pousser jusqu'au bout pour essayer de convaincre nos partenaires de signer".
P. Hansen--BTZ