Le chlordécone, un pesticide aux risques avérés pour la santé
Le chlordécone, pesticide risqué pour la santé humaine, a été utilisé dans les bananeraies des Antilles jusqu'en 1993. Plusieurs études ont montré la dangerosité de ce produit, interdit dès 1977 aux Etats-Unis.
Qu’est-ce que le chlordécone ?
C'est un pesticide qui a été utilisé dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, un insecte ravageur pour ces cultures.
Il fait partie des pesticides organochlorés comme le DDT et le lindane, qui restent longtemps dans les sols et les eaux et peuvent s'avérer très toxiques.
Utilisé durant vingt ans, il a entraîné une pollution des sols, de l'eau des rivières et du milieu marin proche des secteurs où il a été utilisé. Il peut ainsi être retrouvé dans certaines denrées végétales ou animales, ainsi que dans les eaux des sources ne faisant pas l'objet d’un traitement par charbon actif. De nombreux aliments locaux, principalement les légumes racines, les poissons et crustacés, les œufs issus de poulaillers de particuliers peuvent être contaminés, surtout dans certaines zones où des bananeraies étaient présentes.
La voie alimentaire demeure à ce jour la principale voie d'exposition pour les populations guadeloupéennes et martiniquaises.
Quels sont ses effets sur la santé ?
Interdit aux États-Unis dès les années 1960, classé "cancérigène possible" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1979, le produit était soupçonné d'être responsable notamment d'une explosion des cancers de la prostate aux Antilles, comme l'a révélé l'étude de l'Inserm "Karuprostate" (de Karukera, nom caribéen de la Guadeloupe) en 2010.
Depuis un an, les cancers de la prostate liés à l'exposition au chlordécone sont reconnus comme maladie professionnelle en France.
En 2012, l'étude "Timoun", sur l'impact du chlordécone sur la grossesse et le développement des enfants, a aussi mis en évidence des troubles de comportement, des pertes de motricité et "des pertes de QI de 10 à 20 points".
Le produit augmente également le risque de prématurité, selon une étude de l'Inserm rendue publique en 2014.
L'exposition de souris au chlordécone nuit par ailleurs à la production de spermatozoïdes de plusieurs générations de mâles, même s'ils n'ont pas été exposés eux-mêmes, selon une étude de l'Inserm, qui précise toutefois que ces conclusions ne peuvent pas automatiquement s'appliquer à l'homme.
Quelles sont les populations exposées aux Antilles ?
En 2013-2014, le chlordécone a été détecté chez plus de 90% des individus.
Selon une étude de Santé publique France de 2018, on observe depuis 2003 une diminution de l'exposition au chlordécone par la majorité de la population, mais le niveau des personnes les plus exposées ne diminue pas. Il s'agit des personnes résidant directement dans des zones réputées contaminées, ainsi que les consommateurs d'aliments issus de ces zones ou leurs environs (poissons d'eau douce, produits de la mer issus de la pêche amateur et des circuits informels, volailles et oeufs issus d'élevages domestiques, légumes racines et tubercules...).
Comment limiter l’exposition au chlordécone par l'alimentation ?
La consommation de certains produits alimentaires provenant des circuits informels contribue, en général, à une exposition supérieure à celle liée aux modes d'approvisionnement en circuits contrôlés (grandes et moyennes surfaces, marchés,épiceries).
L’Anses a émis une série de recommandations pour limiter l’exposition au chlordécone par voie alimentaire. Parmi elle, l'agence préconise de limiter à 4 fois par semaine la consommation de produits de la pêche en provenance des circuits courts, à 2 fois par semaine la consommation de racines et de tubercules issus des jardins familiaux en zone réputée contaminée. Elle recommande aussi de ne pas consommer de produits de pêche en eau douce issus des zones d'interdiction de pêche définies par arrêté préfectoral.
Des recommandations déjà respectées par les trois quarts des Antillais, précise l'Anses.
T. Jones--BTZ