Dans un village auvergnat, la maison de santé grandit et le désert médical recule
Sage-femme, dermatologue, radiologue, médecins généralistes: plus de 50 professionnels exercent dans la maison de santé de Pontgibaud (Puy-de-Dôme), un oasis sanitaire exemplaire pour cette zone rurale considérée il y a peu comme un désert médical.
"Nous, la ville, c'est 45 minutes de voiture. Là, on est à 10 minutes et puis les rendez-vous, c'est facile. Même au niveau urgence, j'ai pu prendre rendez-vous pour ma fille hier soir à minuit", raconte Christelle Barlot, 48 ans, qui patiente avec son enfant dans la salle d'attente.
"Cela ouvre une partie des soins à des gens qui renonceraient du fait de l'éloignement", souligne Anaïs Paul, médecin généraliste.
Les noms des praticiens s'affichent sur la quinzaine de plaques vissées sur les murs bleus de l'établissement, situé au cœur du village de 780 habitants.
Mais la structure rayonne bien au-delà: les professionnels de soins primaires, médecins généralistes ou infirmières, couvrent une zone de 5.000 habitants environ.
Pour d'autres spécialités, comme la radiologie ou la dermatologie, la maison de santé irradie une aire plus vaste de 15.000 habitants, y compris de l'Allier voisin.
Elle regroupait une quinzaine de professionnels lors de son ouverture en 2017 et elle en accueille désormais 46: orthopédiste, urologue, angiologue, infirmières, psychologue, etc.
Les travaux d'extension qui s'achèvent vont permettre de passer à 52 en 2023, dont six médecins généralistes et un psychiatre.
De quoi faire rêver de nombreux maires qui peinent souvent à remplir les locaux flambants neufs mis à la disposition d'éventuels médecins.
Les raisons du succès? "Une équipe qui a envie de travailler ensemble autour du patient, une ambiance et une dynamique qui permet de faciliter leur exercice en commun", répond le docteur Yoann Martin, 40 ans, à l'origine du projet.
"Ce n'est pas un seul critère, c'est l'ensemble des trois qui est attractif. Le bâtiment en lui-même n'est qu'un outil", selon lui.
Tous les cabinets sont mutualisés: quand un praticien à temps partiel est absent, un autre le remplace dans son local. "C'est un jeu de chaises musicales pour optimiser les espaces", explique Yoann Martin.
Fin 2021, le gouvernement recensait 2.018 maisons de santé.
Mais certaines sont des "coquilles vides", estime M. Martin, en soulignant que créer une équipe "prend du temps".
-"Un collectif"-
L'idée a émergé en 2012, juste avant que le gouvernement ne mette en avant ce type de regroupement pour répondre aux déserts médicaux.
Partant du constat que nombre de médecins allaient partir à la retraite sans être remplacés, Yoann Martin, qui finissait son internat, décide, en lien avec l'agence régionale de santé (ARS) et la communauté de communes, de créer une association pour ouvrir une maison de santé à Pontgibaud.
Depuis, "on est passé d'une zone rouge à une zone orange et j'ai même espoir qu'on passe en zone verte d'ici trois-quatre ans", espère le quadragénaire, selon la classification de l'ARS qui va du rouge pour un désert médical au vert foncé pour une région très bien dotée.
"C'est intéressant car tous les médecins sont en coordination, orthophoniste ou kiné par exemple. Nous ne sommes pas toujours obligés d'expliquer ce qui nous arrive, tout notre dossier est regroupé à la maison de santé", apprécie Marie-Laure Gomes, une patiente de 43 ans.
"On pourrait encore s'agrandir, on a beaucoup de demandes mais nous n'avons pas du tout de place, avec un taux d'occupation de 98%", note Yoann Martin. L'objectif est plutôt de "travailler en étoile" avec les nouvelles structures à proximité, selon lui.
Mère de trois enfants, Anaïs Paul loue une organisation qui "change tout pour la vie personnelle": "Et puis, cela me permet de demander conseil aux collègues que je croise. Moi qui fait beaucoup de pédiatrie, je peux faire appel à l'orthophoniste par exemple pour envisager un suivi".
"Chacun met la main à la pâte, sa pierre à l'édifice pour faire fonctionner le système, c'est ce qui marche aussi. Ce n'est pas une personne qui fait, c'est un collectif", assure avec humilité le docteur Martin.
A. Williams--BTZ