Santé: grève massive des biologistes, le gouvernement maintient sa ponction
Après le dialogue de sourds, l'épreuve de force: la quasi-totalité des laboratoires d'analyses médicales suivaient lundi l'appel à la grève des syndicats de biologistes, remontés contre les économies que le gouvernement entend toujours leur imposer.
Piqués au sang, les biologistes se sont mobilisés en masse. "Le taux de participation se situe à cette heure à 95%", a indiqué lors d'une conférence de presse Alain Le Meur, porte-parole de l'Alliance de la biologie médicale, qui regroupe les quatre syndicats et les grands groupes de laboratoires privés.
"Nous sommes tous mobilisés parce que le gouvernement refuse de nous entendre et de dialoguer", a-t-il affirmé, rappelant que le secteur reste "favorable à une contribution exceptionnelle" de l'ordre de 250 millions d'euros sur la seule année 2023, au titre des profits engrangés depuis deux ans grâce aux tests Covid.
Un message diversement apprécié par des usagers souvent pris au dépourvu. Comme Jean, 69 ans, qui n'a pas souhaité donné son nom de famille, devant la porte close d'un laboratoire dans le centre de Paris, alors qu'il a besoin d'un test PCR en prévision d'une coloscopie. "Je ne sais pas ce que je vais faire", râle-t-il, avant de s'emporter: "Les labos sont pétés de thunes, c'est effrayant. Le quoi qu'il en coûte a été formidable, ils sont dans le grand bonheur et en veulent encore plus".
Un peu plus loin, le centre médical géré par l'Assurance maladie restait cependant ouvert, pour le plus grand soulagement de Marine, 32 ans. "C'est le troisième labo que je fais depuis ce matin, je suis venu ici en désespoir de cause" souffle celle qui a besoin d'analyses "à des dates très précises".
Même surprise à Bordeaux, où Maxence Rey, 22 ans, lève les mains en découvrant l'affiche annonçant la fermeture. Venue récupérer les résultats d'une prise de sang, l'étudiante est partagée: "J'en avais besoin pour mercredi et je ne peux pas venir demain parce que j'ai cours. Sur le principe, je comprends" mais "ça me saoule un peu".
- "Je ne lâcherai pas" -
Un moindre mal, à en croire les biologistes, opposés depuis plus d'un mois aux baisses de tarifs exigées par l'exécutif, qui toucheraient l'ensemble des actes d'analyses médicales et perdureraient au-delà de 2023.
Cette "folie +austéritaire+" menacerait "au moins 10% des sites et les emplois associés", a affirmé Thierry Bouchet, président du Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC). "On s'achemine vers des déserts biologiques, nos patients sont complètement en danger", a renchéri son homologue du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB) Jean-Claude Azoulay.
Des arguments battus en brèche par le gouvernement, qui juge que les laboratoires ont les moyens de payer. "Ils peuvent faire des efforts, je ne lâcherai pas sur ce sujet", a déclaré le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, sur LCI, pointant la "rentabilité élevée" du secteur, "passée de 18% à 30%" à la faveur de la crise sanitaire.
"Des chiffres tronqués voire manipulés, dans le but de nous faire passer pour des profiteurs de guerre", rétorque Aurélie François, directrice générale d'Eurofins Biologie Médicale, expliquant que le ministre confondait marge brute et bénéfices nets, passés eux de 12% à 16% d'un chiffre d'affaires dopé par une politique de dépistage "à tour de bras, sur ordre exprès du gouvernement".
Après des semaines de dialogue de sourds, "nous en appelons à Emmanuel Macron", a lancé Thierry Bouchet, précisant que cette fronde prendra fin mercredi soir. "Tous les labos seront ouverts jeudi matin", mais "nous regarderons en fonction de la réponse qui nous sera faite si cette grève peut être reconduite" ensuite.
Entre temps, le budget de la Sécu devrait être adopté au Sénat mardi, avec un amendement reprenant à la lettre la proposition des biologistes, avant de revenir à l'Assemblée la semaine prochaine.
"Nous ne sommes fermés à aucune option", assure le ministère de la Santé, qui leur demande de "revenir à la table des négociations" et souhaite que cette "grève inadmissible" ne mette pas "en péril les parcours de soins des patients".
C. Fournier--BTZ