Premier revers pour le gouvernement à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sanitaire
Séance chaotique, texte tronqué. Le gouvernement, privé de majorité absolue, a subi un premier revers à l'Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi sur le projet de loi sanitaire, adopté amputé d'un article-clé sur le possible retour d'un pass sanitaire anti-Covid pour les entrées dans l'Hexagone.
"L'heure est grave", a estimé la Première ministre Elisabeth Borne dans la nuit. "En s'alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face au Covid LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus", a-t-elle dénoncé dans la nuit sur Twitter.
"Si elle veut compter sur le Sénat, elle (Elisabeth Borne) doit aussi recevoir les présidents de groupe du Sénat. Pour l'instant, elle les a ignorés", lui a répondu mercredi matin sur France 2 le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.
-"Arrogance"-
Le président du groupe LR à l'Assemblée, Olivier Marleix, a dénoncé sur Sud Radio "l'arrogance du pouvoir" et a invité "le gouvernement à écouter les oppositions".
L'article 2 du projet de loi de "veille et de sécurité sanitaire", qui prévoyait la possibilité, si nécessaire, de rétablir le pass sanitaire pour les voyages "extra-hexagonaux", a été rejeté en fin de soirée par 219 voix contre 195, grâce à une conjonction de votes du RN, de LR et d'une majorité de l'alliance de gauche Nupes.
Gouvernement et oppositions se sont rejeté mercredi la responsabilité de ce coup de théâtre.
"Il y avait trop de confusion, trop d'imprécisions dans ce texte", a déploré M. Marleix.
"Le Parlement a fait son boulot, l'opposition a fait son travail", a estimé sur franceinfo le député RN Sébastien Chenu, se réjouissant que le texte ait été "désossé".
"L'heure est simplement à la démocratie avec laquelle vous avez décidément un sérieux problème Madame la Première ministre !", lui a répondu sur Twitter le coordinateur de LFI Adrien Quatennens.
"Il y a eu une convergence de toutes les oppositions" qui se fait "sur le dos de la protection sanitaire des Français", a au contraire accusé sur LCI la ministre chargée des PME et du Commerce Olivia Grégoire.
Le texte examiné en première lecture au Palais-Bourbon a été adopté par 221 voix contre 187 et 24 abstentions lors du vote final dans la nuit de mardi à mercredi. Il doit maintenant aller au Sénat.
-"Parachute ventral"-
"Le gouvernement s'engagera pleinement au Sénat pour défendre l'importance de ces dispositions et les rétablir", a annoncé mercredi matin le ministre de la Santé François Braun lors d'une audition devant le Sénat.
"Sans cet article 2, en cas de résurgence épidémique (du Covid-19) avec un variant particulièrement embêtant, on nous demande de sauter de l’avion sans parachute en nous disant : +Vous inquiétez pas, on va vous en apporter un très vite avant que vous vous écrasiez au sol+. J'avoue que je préfèrerais sauter de l'avion avec un parachute", a-t-il argumenté.
"Je suis totalement disponible pour bâtir une nouvelle rédaction de cet article, qui prendrait en compte les différentes remarques mais qui permettrait de nous laisser au moins un parachute ventral", a ajouté le ministre.
Les débats débutés lundi et qui avaient repris mardi en fin d'après-midi, ont été émaillés de tensions, de chahuts et de renversements imprévus de majorité au gré des articles et des amendements.
Ce premier texte de la législature a ainsi traduit la difficulté de manoeuvrer pour le gouvernement et la majorité relative dont il dispose.
Dans l'opposition, les multiples votes sur les articles et amendements ont montré une hostilité résolue du RN et de la plupart des groupes de gauche (LFI, communistes, écolos), notamment face au refus du gouvernement de réintégrer les soignants suspendus car non-vaccinés.
Mais les socialistes ont souvent été absents de l'hémicycle ou se sont réfugiés dans l'abstention, les LR se montrant quant à eux parfois divisés.
- Inflexions -
Le projet de loi entérine l'expiration au 1er août du cadre "exorbitant du droit commun" de l'état d'urgence sanitaire et du régime de gestion de la crise mis en place fin mai 2021.
C'est "l'extinction du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire" et du "pass sanitaire et vaccinal dans la vie quotidienne des Français", avait souligné lundi François Braun.
Soucieux de ménager une partie des oppositions, le gouvernement et sa majorité avaient fait droit à quelques inflexions réclamées sur les bancs LR et socialistes concernant les Outre-mers.
Le texte est de fait désormais réduit pour l'essentiel à son article 1, qui permet, en raison d'une situation épidémique toujours fragile, de continuer à collecter des données de santé sur les tests de dépistage (dispositif SI-DEP).
Y. Rousseau--BTZ