Dialogue et compromis, Borne passe aux travaux pratiques
Après les discours, les travaux pratiques. Renommée à la tête d’un gouvernement remanié, Élisabeth Borne a clamé sa foi dans le compromis, une nouvelle méthode qu'elle va expérimenter sur le texte du pouvoir d'achat, en y espérant l'aide du Sénat.
"Notre démarche tient en trois mots: dialogue, compromis, ouverture", a résumé jeudi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran à l'issue du Conseil des ministres qui validait le premier projet de loi d'envergure du nouveau gouvernement Borne sur le pouvoir d'achat.
Car même si elle ne dispose pas de majorité absolue à l'Assemblée, et n'a pu former un gouvernement de coalition, la Première ministre n'a pas renoncé à "agir".
Pour y parvenir, elle a exhorté ses opposants mercredi, dans sa déclaration de politique générale, à "bâtir ensemble" des "majorités de projet", se disant prête à "entendre les propositions" voire "à amender" son projet, et elle a annoncé une "concertation" en septembre sur la future loi énergie-climat.
L'ancien Premier ministre Michel Rocard, cité par Mme Borne, qui n'avait pas non plus de majorité en 1988, s'était appuyé sur son iconoclaste conseiller parlementaire Guy Carcassonne pour obtenir des "majorités stéréo", une fois avec la droite modérée, une autre fois avec les communistes, rappelle l'historien parlementaire Jean Garrigues.
- "Co-construction" -
Mais M. Rocard avait aussi beaucoup recouru à l'article 49-3 pour faire passer des textes, plus difficile à utiliser désormais. Sans cette disposition, la discussion va devoir se faire "texte par texte", en approchant même chaque parlementaire au lieu du groupe, note un membre du gouvernement.
En coulisses des délibérations des commissions parlementaires, "il y a toujours cette idée de négociation. Mais là elle sera systémique", souligne M. Garrigues.
Le gouvernement compte dans cette démarche sur l'aide du Sénat, dominé par la droite LR, dont Élisabeth Borne a loué mercredi "l'expérience" en matière de dialogue et de compromis. Elle a proposé à cet égard que davantage de textes soient examinés d'abord par la chambre haute, qui deviendrait "force de co-construction".
Un ministre suggère même qu'au tout début de l'examen d'un texte, les députés de la majorité "intègrent" aux discussions leurs homologues du Sénat.
Le président du Sénat Gérard Larcher, qui avait rencontré Emmanuel Macron entre les deux tours des législatives, avait défendu "une opposition utile".
Sur le pouvoir d'achat, le gouvernement est ainsi ouvert à l'étude de la défiscalisation des heures supplémentaires, une idée soutenue par LR.
- "Rééquilibrage" -
Le gouvernement a toutefois mis des conditions pour que les amendements ne puissent pas "percuter l'esprit du texte", en en faisant "trop" ou "pas assez", ou "dégrader" les finances publiques.
Il n'entend pas non plus obtenir une majorité grâce à l'abstention du RN, ce que contestent certains alliés, qui craignent, en refusant toute discussion avec l'extrême droite, de "placer le RN au centre du jeu" politique.
A l'aile gauche de LREM, le président de la commission des Lois Sacha Houlié a lui appelé à éviter le "danger mortel" d'une négociation avec les seuls LR.
La nouvelle méthode va surtout conduire, selon M. Garrigues, "à un rééquilibrage à tous les niveaux", entre l’Assemblée et le gouvernement, le Sénat et l’Assemblée mais aussi entre la Première ministre, "cheffe de la majorité", et le président de la République qui va devoir se mettre "un peu en retrait" de "l'hyper-présidence".
"Ce n'est pas au président de trouver les compromis", abonde un membre de la majorité mais M. Macron "va continuer à être présent dans une sorte de cadrage".
Dans ce cas, "le discours de combat n'est pas de mise", prévient M. Garrigues, en référence aux propos de M. Macron jeudi soir qui a invité ses troupes à être "en campagne permanente" et à rester unis dans "la bataille".
Au risque de vexer le Parlement, le gouvernement espère aussi trouver des terrains d'entente avec les "forces vives" du pays au sein du Conseil national de la refondation, promis par Emmanuel Macron. "Chiche !", a répondu le leader de la CFDT, Laurent Berger. Mais sans réforme des retraites à la rentrée.
D. Wassiljew--BTZ