Ukraine : Macron et Tusk mettent en garde contre des "concessions" aux dépens de Kiev, discutent de l'envoi de troupes
Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont martelé jeudi à Varsovie que la paix en Ukraine ne pouvait se faire aux dépens des Ukrainiens et discuté d'un potentiel envoi de troupes européennes dans ce pays pour dissuader une nouvelle agression russe, à un mois du retour de Donald Trump à la Maison blanche.
"Nul ne peut discuter pour les Ukrainiens en leur nom des concessions à faire, des points à porter", a souligné Emmanuel Macron lors de déclarations conjointes.
Les alliés européens de l'Ukraine craignent un désengagement des Etats-Unis dans ce conflit, voire des pressions américaines pour un accord au détriment de Kiev, avec le retour de Donald Trump à la Maison blanche le 20 janvier.
Le président américain élu a appelé à un "cessez-le-feu immédiat" et à des négociations pour mettre fin au conflit en Ukraine après sa rencontre samedi avec Volodymyr Zelensky sous les auspices d'Emmanuel Macron à Paris. Il a aussi dit que l'Ukraine devait s'attendre à "probablement" moins d'aide américaine.
"Il nous faut travailler de manière très étroite avec les Américains, avec évidemment l'Ukraine pour trouver un chemin possible, qui prenne en compte les intérêts de l'Ukraine, sa souveraineté et les intérêts des Européens et leur sécurité", a insisté le président français.
Le Premier ministre polonais a aussi relevé que toute "proposition" en la matière devait "être acceptée" par les Ukrainiens et souligné sa volonté de "coopérer avec la France sur les solution qui vont avant tout sécuriser l'Europe".
- Pas "pour l'instant" -
Donald Tusk a confirmé au passage que la possibilité d'envoyer des troupes en Ukraine avait été abordée lors de l'entretien avec le président français, tout en indiquant que "pour l'instant" Varsovie "ne prévoit pas de telles actions".
"Je voudrais (...) couper court aux spéculations sur la présence potentielle de troupes d'un pays ou d'un autre en Ukraine une fois le cessez-le-feu ou la paix instaurés. Le président (Macron) en est conscient, nous en avons discuté", a-t-il dit.
Ces troupes pourraient constituer une sorte de force de maintien de la paix visant à préserver la souveraineté de l'Ukraine dans le cadre d'un éventuel accord entre Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine.
Emmanuel Macron entend aussi capitaliser sur sa rencontre samedi à l'Elysée avec Donald Trump et Volodymyr Zelensky pour imposer la France et les Européens dans de futures négociations.
S'il a perdu la main sur la situation politique en France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin, il reste déterminé à peser sur la scène internationale.
Le président ukrainien laisse entendre qu'il est disposé à attendre avant de récupérer les zones occupées par l'armée russe (près d'un cinquième du pays). Mais il réclame des garanties de sécurité "effectives" de ses alliés afin de prévenir toute nouvelle offensive russe contre son pays.
- "Ambition insuffisante -
A défaut de perspective rapide d'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, à laquelle Washington et Berlin s'opposent, les Occidentaux pourraient envoyer des soldats en Ukraine, une idée déjà esquissée par le président français en février.
"Franchement, nous pouvons réfléchir et travailler sur la position d'Emmanuel", a lancé lundi Volodymyr Zelensky, estimant que ça "garantirait une sécurité tant que l'Ukraine n'est pas dans l'Otan".
La situation est actuellement très difficile pour l'Ukraine, dont l'armée recule sur le front Est devant des forces russes plus nombreuses et mieux armées.
MM. Macron et Tusk ont aussi évoqué l'accord de libre-échange conclu entre l'UE et les pays sud-américains du Mersocur contre lequel ils entendent fédérer d'autres partenaires européens.
"Très clairement, nos agricultures ne seront pas les sacrifiées au fond d'un mercantilisme du siècle d'avant", a lâché le président français à l'attention de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Emmanuel Macron a aussi montré du doigt un manque d'"ambition" de l'Union européenne, des nouvelles technologies à la transition écologique, alors que la Pologne s'apprête à prendre la présidence tournante du Conseil de l'UE au premier semestre 2025.
"L'Europe aujourd'hui ne va pas au bon rythme et a une ambition qui est insuffisante et donc notre responsabilité va être ensemble de donner cette impulsion et d'avoir un calendrier très resserré et de nourrir le volontarisme de la Commission", a-t-il insisté.
La France et la Pologne, liées par des liens stratégiques et culturels historiques, vont aussi signer un nouveau traité bilatéral d'amitié au printemps prochain à Nancy, ont annoncé les deux dirigeants.
U. Schmidt--BTZ