Géorgie: nouvelles manifestations pro-UE, Bruxelles menace de sévir
Des milliers de manifestants pro-UE se sont réunis mardi soir en Géorgie pour une treizième nuit de protestations contre le gouvernement, Bruxelles envisageant des "mesures" pour punir la répression "brutale" des rassemblements précédents.
Cette ex-république soviétique du Caucase est confrontée à une crise politique depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien mais contestées comme entachées d'irrégularités par l'opposition pro-occidentale.
La décision des autorités, il y a deux semaines, de repousser à 2028 les ambitions du pays d'intégrer l'Union européenne a mis le feu aux poudres, provoquant douze nuits consécutives de manifestations émaillées de violences, sans faire plier le gouvernement ou entamer la détermination des opposants.
"Tous les jours, après le travail, nous venons ici. Nous voulons que ce régime prenne fin", a expliqué à l'AFP une manifestante, Sofia Japaridzé, 40 ans, employée de l'industrie aéronautique.
"Toute la Géorgie, chaque ville, chaque village, tout le monde veut l'Union européenne, nous ne voulons pas retourner en URSS", veut-elle croire, alors que le gouvernement est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire et de faire le jeu de la Russie.
Roland Kalandadzé, 25 ans, a assuré de son côté ne pas croire que le mouvement va s'essouffler, malgré une fréquentation en baisse ces derniers jours.
"Il y a encore une passion brûlante, parce qu'il y a déjà beaucoup de gens qui ont souffert, qui ont été mis en prison. Cela nous motive encore plus", a-t-il déclaré, exprimant l'espoir que le gouvernement soit démis "avant la nouvelle année".
- "Recul démocratique" -
La plupart des rassemblements précédents ont été dispersés à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène par la police, tandis que des manifestants ont tiré des feux d'artifice et jeté des pierres sur les forces de l'ordre.
Selon le ministère de l'Intérieur, plus de 400 manifestants ont été interpellés depuis le 28 novembre, la plupart pour "désobéissance" ou "vandalisme", mais aussi pour des délits tels qu'"incitation à la violence". Plus d'une centaine de policiers ont été blessés.
De multiples cas de violences policières contre des manifestants et des journalistes ont été documentés par des ONG et l'opposition, une répression dénoncée par les Etats-Unis et les Européens, qui ont menacé de prendre des mesures de représailles contre le pouvoir.
L'Union européenne a ainsi affirmé mardi envisager de prendre de nouvelles "mesures" à l'encontre des responsables géorgiens, dont plusieurs ont déjà été sanctionnés précédemment.
"Le recul démocratique persistant et les récents moyens répressifs utilisés par les autorités géorgiennes ont des conséquences sur nos relations bilatérales", a souligné la porte-parole Anitta Hipper, précisant que ces "mesures supplémentaires" seront discutées lors du prochain Conseil des Affaires étrangères, le 16 décembre.
Bruxelles réclame la libération de toutes les personnes détenues lors des manifestations en Géorgie et une "enquête crédible" sur les "allégations de torture et de mauvais traitements" envers les manifestants, a-t-elle ajouté.
- Crise avec la présidente -
Le gouvernement géorgien, qui accuse Bruxelles de "chantage" mais assure toujours viser une entrée au sein de l'UE en 2030, a musclé sa rhétorique envers le mouvement de protestation depuis la semaine dernière.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a ainsi promis "d'anéantir" ses détracteurs, qu'il a qualifié de "libéralo-fascistes" et accusé l'opposition de viser une révolution et d'être financée depuis l'étranger.
Lundi, le Premier ministre a une nouvelle fois loué l'action de la police et minimisé le mouvement.
La police avait perquisitionné la semaine dernière plusieurs bureaux de partis d'opposition et arrêté au moins trois de leurs meneurs, dont le chef du parti Akhali Nika Gvaramia, battu et condamné à 12 jours de prison.
Le service de sécurité de l'État a lui assuré qu'il s'attendait à de nouveaux troubles à l'approche du 14 décembre, date à laquelle les législateurs du Rêve géorgien doivent choisir un nouveau président pour remplacer Salomé Zourabichvili, qui est en rupture avec le gouvernement et qui soutient les manifestants.
Cette ancienne diplomate française, qui ne dispose que de pouvoirs limités, a d'ores et déjà annoncé qu'elle refuserait de quitter ses fonctions tant que de nouvelles législatives n'auront pas été organisées.
Au pouvoir depuis 2012, le gouvernement du Rêve géorgien a adopté ces derniers mois des lois ciblant les ONG et les personnes LGBT+, dénoncées comme liberticides par ses détracteurs.
A. Walsh--BTZ