Le Kenya annule des partenariats avec le groupe Adani après l'inculpation de son patron
Le président kényan William Ruto a annoncé jeudi l'annulation de partenariats avec le groupe indien Adani pour la modernisation de l'aéroport international de Nairobi et du réseau électrique national, évoquant de la "corruption", au lendemain de l'inculpation de Gautam Adani aux Etats-Unis.
Les négociations en cours autour de l'aéroport de Nairobi et l'accord conclu en octobre avec la Compagnie kényane de transmission électrique (KETRACO), deux sociétés publiques stratégiques pour l'économie de ce grand pays d'Afrique de l'Est, étaient vivement critiqués notamment pour leur opacité.
"J'ai déclaré par le passé, et je le répète aujourd'hui, que face à des preuves incontestées ou à des informations crédibles sur la corruption, je n'hésiterai pas à prendre des mesures décisives", a déclaré le président lors de son "discours sur l'état de la nation" devant le Parlement, après avoir évoqué "de nouvelles informations fournies par les agences d'enquête et des pays partenaires".
"En conséquence, j'ordonne maintenant que les agences concernées (...) annulent immédiatement le processus en cours pour la transaction de partenariat public-privé pour l'aéroport international Jomo Kenyatta de Nairobi ainsi que le contrat de partenariat public-privé pour la ligne de transmission KETRACO récemment conclu", a-t-il ajouté.
Le chef de l'Etat a demandé de "commencer immédiatement le processus d'intégration de partenaires alternatifs", sous les acclamations des députés et sénateurs.
Cette annonce intervient au lendemain de l'inculpation du fondateur du groupe portant son nom, le magnat de l'énergie indien Gautam Adani, 62 ans, par la justice américaine. Cette dernière le soupçonne d'être impliqué dans le versement de pots-de-vin à des fonctionnaires indiens pour obtenir des marchés dans l'énergie solaire en Inde, au détriment d'investisseurs aux Etats-Unis.
- Négociations secrètes -
La révélation en juillet de négociations secrètes entre le gouvernement kényan et le conglomérat Adani sur l'avenir de l'aéroport de Nairobi avait déclenché une polémique nationale.
Des documents ont révélé la proposition d'Adani de moderniser et agrandir l'aéroport international Jomo Kenyatta (JKIA), pour un investissement de 1,85 milliard de dollars (1,7 milliard d'euros), en échange d'un droit d'exploitation pour les 30 prochaines années.
Hub aéroportuaire majeur d'Afrique de l'Est, JKIA est une infrastructure stratégique pour l'économie kényane, générant des taxes équivalentes à 5% du PIB, mais régulièrement touché par des dysfonctionnements (pannes, fuites...)..
Quant à l'accord conclu en octobre avec la société publique KETRACO (Compagnie kényane de transmission électrique), pour un montant de 736 millions de dollars (environ 700 millions d'euros), il prévoyait notamment la construction de trois lignes électriques.
Il visait, selon le gouvernement, à améliorer le réseau existant et remédier aux pannes de courant, parfois nationales, qui frappent ce grand pays.
- "Les temps sont durs"-
Dans son discours, le président Ruto, élu en 2022, a par ailleurs répondu aux critiques visant les forces de sécurité, accusées de la violente répression de manifestations entre juin et août contre le projet gouvernemental de loi de finances qui prévoyait de créer ou d'augmenter des taxes.
Les organisations de défense des droits humains ont dénoncé une réponse disproportionnée et illégale, qui a mené à la mort de plus de 60 personnes et à des dizaines d'arrestations arbitraires.
Le chef de l'Etat a assuré que les arrestations visaient "des criminels et des éléments subversifs", tout en affirmant: "Je condamne toute action excessive ou extrajudiciaire mettant en danger la vie et la liberté de toute personne, y compris les disparitions et les menaces de mort."
Il a également défendu son bilan économique, critiqué par de nombreux Kényans qui lui reprochent d'avoir abandonné ses promesses électorales d'aider les plus modestes face aux demandes du Fonds monétaire international de réduire la dette colossale du pays (environ 80 milliards de dollars).
"Il est indéniable que pour de nombreux Kényans, les temps sont durs et la lutte pour répondre à leurs besoins quotidiens de base est décourageante", a-t-il reconnu, avant d'énumérer l'amélioration des indicateurs économiques, comme l'inflation (réduite de 9,6% à 2,7% en deux ans) et la stabilisation du shilling kényan.
Si le pays renoue avec une certaine croissance (+5,4 % l'an dernier), un tiers des 52 millions de Kényans vivent dans la pauvreté.
D. Fjodorow--BTZ