Le Conseil de sécurité de l'ONU prolonge ses négociations sur l'aide humanitaire transfrontalière à la Syrie
Le Conseil de sécurité de l'ONU a renoncé à voter jeudi, comme initialement prévu, sur une prolongation de l'autorisation d'aide humanitaire transfrontalière à la Syrie sans l'aval de Damas, décidant de poursuivre vendredi ses négociations, faute d'accord entre la Russie et les Occidentaux sur sa durée.
Selon des diplomates, Moscou insiste toujours sur une extension limitée à six mois, éventuellement reconductible, alors que les Occidentaux réclament un an de prolongation pour cette autorisation en vigueur depuis 2014 et qui arrive à expiration dimanche.
Un nouveau texte produit jeudi soir, obtenu par l'AFP, a été proposé par la Norvège et l'Irlande, gestionnaires du dossier au Conseil de sécurité. Il prévoit six mois de prolongation jusqu'au 10 janvier 2023, "avec une extension de six mois supplémentaires, jusqu'au 10 juillet 2023, sauf si le Conseil en décide autrement".
L'extension serait aussi conditionnée à un "rapport substantiel" du secrétaire général, notamment sur la transparence des cargaisons d'aide, sur les progrès pour acheminer une assistance à partir de Damas à travers les lignes de front, et sur les progrès réalisés pour "des projets de réhabilitation rapide en lien avec les besoins humanitaires".
Jeudi soir, l'incertitude subsistait pour savoir si cette nouvelle proposition pourrait convenir à la Russie et si un vote était possible dès vendredi. "La Russie insiste pour 6 mois seulement", a indiqué à l'AFP un ambassadeur sous couvert d'anonymat.
L'autorisation transfrontalière, en vigueur depuis 2014, permet l'acheminement d'une aide humanitaire au nord-ouest de la Syrie via le point de passage de Bab al-Hawa à la frontière syro-turque, emprunté chaque mois par des centaines de camions. Cette aide humanitaire internationale est destinée à plus de 2,4 millions de personnes dans la région d'Idleb tenue en grande partie par des groupes jihadistes et des rebelles.
Pour Moscou, qui dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité et qui a considérablement fait réduire ces dernières années ce dispositif qui viole à ses yeux la souveraineté de la Syrie, l'acheminement de l'aide vers le nord-ouest du pays ne devrait s'effectuer qu'à partir de Damas à travers les lignes de front.
- "Réhabilitation rapide" -
L'ONU a tenté de développer celui-ci mais le juge toujours insuffisant pour répondre aux besoins de millions de Syriens dans la région d'Idleb. Seules cinq livraisons ont été réalisées jusqu'à présent à travers les lignes de front, relève l'Organisation qui demande un maintien sur le long terme du mécanisme transfrontalier.
Après avoir laissé entendre ces derniers mois qu'elle s'opposerait à une nouvelle prolongation de l'autorisation, la Russie a accepté récemment une extension. Dans son dernier projet concurrent à celui de la Norvège et de l'Irlande, remis jeudi à ses 14 partenaires, elle prévoit d'étendre le dispositif pour "six mois + six mois", avec une clause prévoyant une nouvelle décision du Conseil en janvier.
Cette condition est cependant jugée inacceptable par les Occidentaux qui n'y voient pas de garantie d'une autre prolongation du dispositif en début d'année prochaine.
Dans les différents textes proposés, les mentions visant à favoriser des "projets de réhabilitation rapide" en Syrie constituent une nouveauté marquante. Jusqu'à présent, les Occidentaux - la France en tête - avaient toujours conditionné tout début d'aide à la reconstruction à une réforme politique en Syrie, laquelle reste dans les limbes.
Ces derniers mois, les Etats-Unis, rejoints pas de nombreux membres du Conseil de sécurité, avaient cependant infléchi leur discours et évoqué la possibilité de financer des projets de "réhabilitation rapide" dans le pays.
Les textes concurrents sur la table du Conseil de sécurité parlent "de nouvelles initiatives internationales pour élargir les activités humanitaires en Syrie", évoquant "des projets de réhabilitation rapide" en matière d'eau, d'assainissement, d'électricité, de santé, d'éducation et d'abris.
Ces dernières semaines, des dizaines d'ONG et plusieurs hauts responsables de l'ONU ont fait pression sur les membres du Conseil de sécurité pour que l'autorisation transfrontalière soit à nouveau étendue pour un an.
F. Dumont--BTZ