Ukraine : poursuite de l'évacuation de Sloviansk face aux avancées russes
Les civils continuaient mercredi d'évacuer la ville bombardée de Sloviansk, dans l'est de l'Ukraine, le prochain objectif des forces russes dans leur plan de conquête totale du bassin du Donbass, leur priorité après quatre mois et demi de conflit.
"L'évacuation est en cours. Nous sortons des gens de la ville chaque jour", a déclaré son maire Vadim Liakh dans une vidéo diffusée sur YouTube.
"Il reste en ce moment 23.000 habitants" à Sloviansk qui en comptait environ 110.000 avant le conflit selon les autorités, a-t-il ajouté. Et "17 sont morts et 67 ont été blessés" depuis le début des hostilités.
Dans cette cité bombardée depuis plusieurs semaines, "les infrastructures essentielles fonctionnent toujours, mais il n'y a plus de réseau central d'approvisionnement en eau depuis un mois et un tiers de la ville se retrouve régulièrement sans électricité", a souligné le maire.
"Mon principal conseil : évacuez !", avait lancé mardi soir le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, à l'adresse de la population de Sloviansk, soulignant que, "pendant la semaine, il n'y a pas eu un jour sans bombardements".
Mardi, Pavlo Kyrylenko avait déclaré que les derniers bombardements russes, dont celui qui a frappé le marché, avaient fait deux morts et sept blessés.
Comme d'autres responsables locaux, M. Liakh affirme que les forces ukrainiennes repoussent les tentatives de percée russes vers Sloviansk et sa ville-jumelle de Kramatorsk, le centre administratif de la partie du Donbass contrôlée par Kiev.
Sloviansk "est fortifiée" et "les Russes n'arrivent pas à s'(en) approcher" ou à l'"encercler", car ils sont bloqués par les soldats ukrainiens à une quarantaine de kilomètres de là, dit-il.
- Arme nucléaire -
Avec la chute dimanche de Lyssytchansk, les Russes disent contrôler la quasi-totalité de la région de Lougansk, ce que les Ukrainiens continuent de nier. "Il y a toujours des combats dans deux villages", a assuré mercredi sur Telegram son gouverneur, Serguiï Gaïdaï.
Les Russes cherchent maintenant à conquérir la deuxième province du Donbass, celle de Donetsk, pour occuper ainsi l'entièreté du bassin minier, que les séparatistes prorusses contrôlaient partiellement depuis 2014.
Mais il leur faut pour cela prendre Sloviansk et Kramatorsk, ses deux plus grandes cités sous contrôle ukrainien. Selon M. Gaïdaï, les militaires russes "essaient constamment de construire des passages pour transférer encore plus de matériel" vers la région de Donetsk.
Mardi, les troupes russes se trouvaient à une dizaine de kilomètres de Siversk, qu'elles pilonnent depuis plusieurs jours, et donc à une cinquantaine de kilomètres de Sloviansk.
Le ministère russe de la Défense a aussi accusé mardi soir des "nationalistes ukrainiens" de préparer dans la région de Donetsk "une provocation avec l'utilisation de substances toxiques" dont "de grandes quantités de chlore amenées dans une station de filtration minée".
Il a prévenu que l'armée ukrainienne utilisait des infrastructures chimiques pour y baser ses hommes et ses armes, créant "les conditions préalables à des accidents pouvant entraîner la mort de milliers de civils".
Les Russes bombardent par ailleurs toujours la région de Mykolaïv (sud), des frappes qui ont provoqué la mort d'au moins deux personnes mardi et mercredi, selon les autorités ukrainiennes.
"La menace des tirs de missiles perdure dans la région de Mykolaïv" car la Russie maintient quatre navires équipés d'armes de haute précision en mer Noire", estime l'armée ukrainienne.
L'ex-président russe Dmitri Medvedev a évoqué mercredi le recours à l'arme nucléaire, pour mieux exclure toute éventualité de sanctions contre Moscou par la justice internationale, à l'heure ou la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur des crimes de guerre présumés commis en Ukraine.
"L'idée même de châtier un pays qui a le plus grand arsenal nucléaire du monde est absurde en soi. Et cela crée potentiellement une menace pour l'existence de l'humanité", a écrit sur son compte Telegram l'actuel vice-président du puissant Conseil de sécurité russe, avant de s'en prendre notamment aux Etats-Unis.
- "Processus transparent" -
Le Premier ministre irlandais Micheal Martin était en visite mercredi à Kiev, pour montrer le soutien de son pays à l'Ukraine dans ce conflit, ont annoncé ses services.
Il y a visité Borodyanka et Boutcha, deux localités de la banlieue de Kiev en partie détruites par les combats en mars, lorsque les forces russes étaient aux portes de la capitale, avant de se retirer pour concentrer leur offensive sur l'est et le sud de l'Ukraine.
Ces deux cités sont devenues des symboles des crimes de guerre présumés commis par les militaires russes dans ce conflit et sur lesquels la justice internationale a dit vouloir enquêter.
Mardi soir à Lugano (Suisse) s'était achevée une conférence internationale de deux jours visant à dessiner les contours de la reconstruction de l'Ukraine, dont Kiev évalue le coût à 750 milliards de dollars.
Dans leur déclaration finale, les nations alliées, des institutions internationales et le secteur privé se sont engagés à "pleinement soutenir l'Ukraine tout au long de son parcours", appelant à un "processus de rétablissement transparent et responsable".
L'utilisation de ces milliards de dollars inquiète dans un Etat perclus de corruption.
Dans son rapport 2021 sur la corruption, l'ONG Transparency International classait l'Ukraine 122e sur 180 pays, et la Russie 136e.
"Nous allons prendre très au sérieux la reconstruction de l'Ukraine, la réforme de l'Ukraine", a déclaré le conseiller de Zelensky Alexander Rodnyansky à l'AFP en marge de la conférence. "C'est le principal message".
U. Schmidt--BTZ