Le communiste Roussel joue sa propre partition au sein de la Nupes
Dans la droite ligne de sa campagne présidentielle, le dirigeant communiste Fabien Roussel se démarque à gauche en se tenant aussi loin que possible du coeur de la Nupes, jusqu'à provoquer l'émoi quand il évoque une participation au gouvernement.
"Je ne veux pas dire non parce que je veux que ça avance", a déclaré à ce propos le secrétaire national du PCF dimanche sur LCI. "Il faut avoir cette ambition-là, pour notre pays, pour notre peuple", a-t-il ajouté.
Une sortie qui n'a pas manqué de faire réagir ses partenaires de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). "Il s'exprime en son nom propre car ce n'est pas la position du groupe communiste à l'Assemblée nationale", a rétorqué la présidente du groupe des députés LFI Mathilde Panot.
"Que chacun arrête de se faire de noeuds au cerveau, personne ne pense sérieusement que Fabien Roussel veut entrer au gouvernement", glisse à l'AFP Ian Brossat, son ancien directeur de campagne, qui rappelle qu'il "faudrait un vote des adhérents pour qu'un communiste rentre au gouvernement".
Le chef des députés communistes André Chassaigne a tout de même dû l'expliciter dans l'Humanité, dimanche: "Pas question d'une participation gouvernementale". Et la députée PCF Elsa Faucillon a ironisé sur Twitter: "Je mets ma main à couper qu’un vote des communistes confirmerait largement le refus de participer à ce gouvernement, je parie même sur un score que certains qualifieraient de soviétique!"
Fabien Roussel lui-même a dû clarifier sa position. "Ce n'est pas du tout à l'ordre du jour que nous participions à un tel gouvernement", a-t-il affirmé lundi matin.
Un député LFI, cheville ouvrière de l'accord de la Nupes, grince: "C'est une expression très personnelle qui témoigne d'une agitation et ne reflète pas ce que disent les communistes en intergroupe. Roussel a obtenu de l'attention pendant la présidentielle, il cherche à la maintenir".
Au sein même du PCF, un cadre parisien, déjà critique de la campagne présidentielle de M. Roussel, dénonce ses propos récents qui relèvent d'un "positionnement tactique et de sa conception du rôle du PCF dans l'histoire de France: les avancées sociales ont été permises par des ministres communistes au gouvernement".
Mais "le communisme rétro vieille France qu'il incarne ne tient pas compte de l'épuisement de la force symbolique du PCF et du désir de radicalité de toute une partie de la gauche. Fabien est coincé dans son logiciel", cingle ce cadre.
- "Grain de sable" -
Plus largement, il témoigne que "les déclarations de Roussel jettent un trouble. Elles sont plus que maladroites et difficiles à suivre. Pour les communistes, être identifiés comme les diviseurs de la Nupes, la voix dissonante, est très inconfortable, car pour beaucoup, nous devrions être l'aiguillon sur la question des idées, pas le grain de sable dans la chaussure".
Depuis plusieurs semaines, Fabien Roussel cultive cette singularité qui lui a permis d'émerger dans le débat public lors de la campagne présidentielle, lorsqu'il opposait à la gauche "woke" son amour de la France périphérique et un parler simple.
A la conclusion de l'accord de la Nupes, début mai, Fabien Roussel et son entourage étaient loin d'être euphoriques, racontait alors un dirigeant de gauche à l'AFP. Non seulement parce que les négociations avaient été dures, mais aussi parce que l'accord comporte le risque d'un effacement du PCF, soit l'inverse de la ligne Roussel centrée sur la fierté communiste.
Aux événements communs qui ont suivi, il avait chargé Ian Brossat de représenter le PCF, contrastant avec les chefs socialiste Olivier Faure et écologiste Julien Bayou, qui se sont régulièrement impliqués.
Juste après le second tour, Fabien Roussel n'avait pas hésité à dresser un constat mi-figue mi-raisin sur le résultat de la Nupes et ses quelque 150 députés élus.
Un proche, membre de la direction du PCF, explique: "Fabien Roussel n'est pas d'un territoire (Saint-Amand-les-Eaux où le RN est menaçant, NDLR) où il suffit de parler de l'union de la gauche pour gagner, ils sont peu dans son cas à la Nupes. Il ne peut pas tenir le même discours. Et sans lui, la circonscription serait RN".
O. Joergensen--BTZ