José Beaurain, député RN non-voyant, veut "ouvrir les yeux" des Français sur le handicap
Porté par la dynamique du RN et le "dégagisme", José Beaurain, accordeur de piano dans l'Aisne, vient de devenir, à 50 ans, le premier député non-voyant de la Ve République, avec la volonté d'"ouvrir les yeux des gens" sur le handicap.
Il arrive la main sur l'épaule de son assistant, en costume noir, un pin's bleu-blanc-rouge de l'Assemblée nationale à la boutonnière, sur la place de la mairie de Chauny, le bourg de 12.000 habitants où il vit.
Malvoyant de naissance, souffrant d'un glaucome congénital, José Beaurain a complètement perdu la vue en 2008.
Cet ancien champion de France handisport de bodybuilding ne s'est jamais senti discriminé. Mais il a "souffert de la méconnaissance du handicap". Aujourd'hui, il veut que "la cécité soit perçue différemment par les Français" grâce à sa médiatisation.
- "Patriote" -
Ce "patriote", comme il se définit, n'était jusqu'à présent que conseiller municipal et communautaire d'opposition à Chauny. Avec 57,15% des voix, il a balayé dimanche le sortant LREM, le médecin Marc Delatte, dans la quatrième circonscription de l'Aisne, longtemps ancrée à gauche, rurale et au fort taux de pauvreté.
Ce score s'explique en partie par une forte abstention: au second tour, près de six électeurs sur dix ont boudé les urnes dans le secteur.
Dans l'Aisne, Marine Le Pen avait obtenu 39,25%, puis 59,91%, des voix aux deux tours de la présidentielle.
Outre le handicap, la condition animale, l'environnement et la sécurité figurent parmi les thèmes privilégiés de M. Beaurain. "Ex-mari d'une fonctionnaire de police", il s'inquiète d'une société qui "se délite de plus en plus", de la "montée des incivilités et de la délinquance".
"L'islam politique ou radical, je le combattrai toujours. Mais ici, ce n'est pas la première problématique des gens", assure-t-il, citant le coût de la vie et des déplacements comme préoccupations prioritaires.
En 2017, M. Beaurain avait soutenu dans cette même circonscription la candidature de Jean Messiha - qui a depuis rejoint puis quitté Reconquête! d'Eric Zemmour - une personnalité aux positions très dures sur l'islam.
Lui-même candidat à la mairie de Chauny, aux départementales puis aux législatives, il dit avoir trouvé au RN beaucoup de "bienveillance" sur son handicap.
- "Aux ordres" de Le Pen -
Pour Aurélien Gall, le candidat de la Nupes, le nouveau député a bénéficié de "la vague de dégagisme: les électeurs n'ont pas voulu renvoyer à l'Assemblée les députés macronistes, qui n'ont été que des députés +Playmobil+ dans notre département".
M. Beaurain "est resté chez lui et Paris a fait sa campagne", lâche-t-il, soulignant qu'il n'a organisé ni réunion publique ni tractage sur les marchés. Comme conseiller communautaire, il est aussi "complètement absent", assure celui qui siège dans la même agglomération.
Avis partagé par le sortant Marc Delatte, qui s'agace: "Qu'en attendre, sinon d'être aux ordres de Marine Le Pen ?".
Pour Emmanuel Liévin, maire sans étiquette de Chauny, si M. Beaurain ne fait "pas d'obstruction systématique" au conseil municipal, il ne fait "jamais de contre-proposition. Quand il s'oppose, il n'y a pas d'argument, ce sont des positions plutôt dogmatiques".
Tous pointent des documents de campagne sans propositions pour le territoire et une élection "par défaut".
S'il n'a pas tenu de réunion publique, c'est qu'elle ne servent qu'à "prêcher des convaincus", rétorque M. Beaurain, assurant avoir parcouru la circonscription pour "boîter" dans les villages.
"Nous ne sommes pas là pour renverser la République. Nous sommes arrivés par les urnes, pas par les armes", insiste-t-il.
O. Karlsson--BTZ