Les difficiles négociations à l'OMC se prolongent encore une fois un peu plus
Plus de 24 heures après la date butoir initiale, les négociateurs continuaient leurs discussions à la 12e conférence ministérielle de l'OMC pour tenter d'arracher in extremis des accords sur les vaccins anti-Covid-19, la pêche ou la sécurité alimentaire.
Le ministre indien du Commerce, Piyush Goyal, présenté tout au long de la conférence comme l'empêcheur de tourner en rond par de nombreuses délégations, a tenu cour dans un des rares lieux du siège de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où médias et négociateurs peuvent se croiser.
"L'Inde est convaincue que cette réunion ministérielle sera l'une des plus réussies que l'OMC ait connues depuis longtemps", a-t-il déclaré aux journalistes massés autour de lui.
"Nous avons pris de solides décisions (...). Ce qui est bien c'est que rien n'est convenu tant que tout n'est pas convenu et je suis sûr que cet esprit nous aidera à surmonter l'obstacle", a-t-il dit.
"En marche vers un accord final à la #MC12... on s'en approche", avait tweeté plus tôt son homologue de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, reprenant le sigle officiel de la première réunion ministérielle de l'organisation depuis plus de 4 ans.
Mais malgré ces déclarations volontaristes, la ministérielle a du mal à conclure. Les représentants des 164 pays membres de l'OMC, réunis depuis dimanche à Genève, ont entamé ces dernières 24 heures un véritable marathon de tractations. La nouvelle heure butoir de 13H00 GMT jeudi, fixée par la directrice générale de l'OMC Ngozi Okonjo-Iweala, a été allègrement dépassée.
L'objectif est de supprimer des subventions qui facilitent la surpêche et vident les océans, de lever temporairement les brevets qui protègent les vaccins anti-Covid, d'assurer la sécurité alimentaire ou encore de réformer l'OMC elle-même.
- Chambre verte -
Pour faire avancer les choses sur les dossiers les plus difficiles, seuls quelques hauts responsables de l'OMC et des pays clés participent à des réunions: un format dit "green room".
Dacio Castillo, l'ambassadeur du Honduras qui pilote les discussions sur la réponse de l'OMC à la pandémie, a levé le voile sur Twitter sur ces mystérieuses sessions à huis clos. On le voit debout, concentré face à une directrice générale au visage marqué par la concentration et le manque de sommeil.
"En plein travail pour un résultat jamais vu depuis de nombreuses années à l'OMC", a-t-il également tweeté.
Selon des sources proches des discussions, les négociateurs marchandent autour d'un paquet global, rassemblant tous les sujets. D'après une source diplomatique genevoise, "cela converge péniblement, mais il n'y a pas encore de texte définitivement agréé".
Ce paquet doit ensuite être présenté, pas avant 18H00 GMT, à l'ensemble des Etats membres. À l'OMC, les décisions sont prises par consensus. Un seul Etat vous manque et tout peut capoter.
Les cinq jours de négociations ont été marqués par l'intransigeance indienne sur plusieurs dossiers. Reste à savoir si la "green room" peut être source de miracles comme par le passé, et quelle sera la réelle portée des accords. Plusieurs sources proches des discussions assurent que le projet d'accord sur la pêche a été sévèrement édulcoré.
De nombreux diplomates ont déploré ces derniers jours les vives réticences de l'Inde sur plusieurs textes, y compris sur les subventions qui contribuent à la surpêche et à la prolongation du moratoire sur les droits de douane pour les transmissions électroniques.
– Amadouer l'Inde –
"L'Inde a toujours été un partenaire commercial réticent. L'Inde est connue pour sa réticence à signer des accords de libre-échange", a indiqué à l'AFP Harsh V. Pant, professeur au King's College de Londres.
L'organisation n'a pas conclu d'accord majeur depuis celui de 2013 à Bali. Les résultats de la ministérielle "sont observés par le monde entier comme un signal que l'ordre multilatéral n'est pas brisé", a noté M. Goyal.
Le succès de cette conférence se mesurera notamment à la conclusion d'accords sur la santé et le commerce. Un premier texte porte sur la facilitation du commerce des biens médicaux nécessaires à la lutte contre les pandémies, tandis qu'un autre demande la levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-Covid.
La grave crise alimentaire mondiale provoquée par l'invasion russe en Ukraine, qui fait partie des greniers à céréales du monde, est aussi au cœur des préoccupations. Une déclaration est en discussion pour les restrictions aux exportations.
Un autre projet d'accord vise à interdire les restrictions à l'exportation pour les achats du Programme alimentaire mondial, une des principales agences humanitaires de l'ONU.
O. Larsen--BTZ