Equateur: libération d'un chef indigène, poursuite des manifestations
Le mouvement de protestation indigène a annoncé poursuivre sa mobilisation en Equateur contre la politique économique du gouvernement conservateur, après la remise en liberté mercredi du chef de la principale organisation indigène du pays.
Les manifestants dénoncent depuis lundi la hausse du prix des carburants mais aussi le manque d'emplois ou l'octroi de concessions minières dans les territoires autochtones et réclament un contrôle des prix des produits agricoles et une renégociation des dettes des paysans auprès des banques.
Ils bloquent des routes avec des barrages et barricades de fortune dans au moins onze des 24 provinces du pays, coupant partiellement l'accès à la capitale Quito.
La Conaie (Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur), plus grande organisation de peuples indigènes, a salué la remise en liberté de son chef, Leonidas Iza, qui avait été arrêté mardi matin, tweetant: la mobilisation continue".
"Nous poursuivons le combat", a lancé M. Iza sur Facebook lors d'une retransmission organisée par la Conaie depuis une base militaire de la ville andine de Latacunga (Sud) où il a été libéré sur décision d'une juge.
Il a été accueilli par des sympathisants aux cris de "vive la lutte" et "vive la grève". Une femme lui a appliqué des plantes médicinales.
Leonidas Iza avait été arrêté pour sabotage des transports publics, délit passible de dix ans de prison, mais à l'audience le parquet a retenu l'accusation de paralysie d'un service public, passible de trois ans de prison.
- Procès début juillet -
Le parquet a précisé sur Twitter que des mesures alternatives à la prison avaient été décidées pour "paralysie présumée d'un service public".
Selon l'Observatoire de justice, entité indépendante, Leonidas Iza devra se présenter au tribunal les mercredi et vendredi jusqu'au 4 juillet, date de son procès.
La Conaie a mené les violentes manifestations de 2019 (11 morts), forçant le président d'alors, Lenin Moreno, à abandonner un projet de supprimer les subventions aux carburants, et participé aux soulèvements qui ont renversé trois présidents entre 1997 et 2005.
Les peuples indigènes rassemblent au moins un million des 17,7 millions d'Equatoriens.
Ingénieur agronome âgé de 39 ans, M. Iza a été élu à la tête de la Conaie en juin 2021. Indigène Kichwa-Panzaleo, il est originaire de la province de Cotopaxi et l'ex-président du "Mouvement indigène et paysan" de cette même province.
Charismatique, aux discours souvent enflammés, il porte toujours un chapeau de feutre noir et un poncho rouge, caractéristique de sa communauté.
Il mène les manifestations contre la politique du président conservateur Guillermo Lasso, au pouvoir depuis un an.
Après son arrestation, des manifestants avaient protesté mardi à Latacunga où des heurts les ont opposés aux forces de l'ordre.
Des voitures de police ont été incendiées, notamment à Quito, et des puits de pétrole bloqués.
La compagnie chinoise PetroOriental a fait état de la perte de 1.400 barils de brut par jour pour ses puits dans la province amazonienne d'Orellana.
- "Hausser la voix" -
Mercredi matin, des manifestations se poursuivaient dans les faubourgs de Quito. "Nous voulons hausser la voix et que les autorités écoutent", a confié à l'AFP un manifestant qui a tenu à conserver l'anonymat.
Quatre autres personnes ont été arrêtées aux côtés de M. Iza, selon le ministre de l'Intérieur Patricio Carrillo qui a accusé les manifestants de vandalisme.
Guillermo Lasso, après avoir prévenu dimanche que le gouvernement s'opposerait au blocage des routes et des installations pétrolières, a justifié les arrestations et fustigé sur Twitter "des actes de vandalisme interdits par la loi et la Constitution".
La puissante Conaie proteste notamment contre la hausse des prix des carburants et demande une baisse, à 1,50 dollar pour le diesel et 2,10 dollars pour l'essence.
En octobre 2021, elle avait déjà organisé des manifestations sur ce fréquent sujet de discorde entre les gouvernements équatoriens et les groupes autochtones.
Depuis 2020, le prix du gallon (3,78 litres) de diesel a presque doublé, passant de 1 à 1,90 dollar, et celui de l'essence a augmenté de 46%, passant de 1,75 à 2,55 dollars.
A. Lefebvre--BTZ