Ukraine: Moscou propose un "couloir humanitaire" pour les civils de Severodonetsk
La Russie a proposé mardi d'instaurer un couloir humanitaire pour évacuer les civils réfugiés dans une usine de Severodonetsk, ville clef du Donbass que se disputent Russes et Ukrainiens dans une bataille particulièrement destructrice, avec bombardements incessants et combats de rues.
"Un couloir humanitaire sera ouvert en direction du nord (jusqu'à la ville de Svatove) le 15 juin" de 05H00 GMT à 17H00 GMT, a indiqué le ministère russe de la Défense. "L'évacuation en toute sûreté de l'ensemble des civils, sans exception, (...) est garantie", a-t-il assuré.
Le ministère russe a appelé les Ukrainiens à hisser le drapeau blanc pour signaler qu'ils acceptaient cette proposition et à cesser une "résistance absurde", qui semble se concentrer désormais dans la vaste usine chimique Azot, emblématique de cette ville industrielle de l'est de l'Ukraine.
Selon le chef de l'administration de Severodonetsk, Oleksandr Striouk, "540 à 560 personnes" sont réfugiées dans les souterrains de l'usine, une situation qui rappelle celle de l'aciérie Azovstal, qui fut des semaines durant la dernière poche de résistance ukrainienne du port de Marioupol, sur la mer d'Azov.
Les responsables ukrainiens n'ont pas immédiatement réagi à cette proposition de couloir d'évacuation.
Selon l'ONG Norwegian Refugee Council, qui avait jusqu'à récemment un grand centre à Severodonetsk, la situation est critique.
Selon elle, les quelque 500 civils réfugiés à Azot sont "presque entièrement coupés de tout ravitaillement après la destruction du dernier pont" lundi reliant Severodonetsk à la ville voisine de Lyssytchansk, séparées par la rivière Donets.
"Nous ne pouvons pas exagérer la gravité de la situation actuelle pour les civils pris au piège à Severodonetsk" en raison de la guerre, a déclaré Jan Egeland, secrétaire général de l'ONG, dans un communiqué.
Les responsables ukrainiens démentent cependant tout encerclement de leurs forces à ce stade.
S'il a reconnu qu'un "troisième pont" avait été détruit, "la ville n’est pas isolée, il y a des voies de communication même si elles sont assez compliquées," a affirmé mardi M. Striouk, en ajoutant que les forces ukrainiennes "tiennent bon".
Les forces russes et séparatistes prorusses tentent de s'emparer de Severodonetsk depuis plusieurs semaines.
La prise de cette capitale administrative de 100.000 habitants, que les deux armées se disputent depuis des semaines, donnerait à Moscou le contrôle de la région de Lougansk et lui ouvrirait la route d'une autre grande ville, Kramatorsk, chef-lieu de la région voisine de Donetsk. Une étape indispensable pour conquérir l'intégralité du bassin du Donbass, région essentiellement russophone en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.
- Coût humain "terrifiant" -
Lundi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a une nouvelle fois réclamé des armes "modernes" aux Occidentaux, évoquant le coût humain "terrifiant" de la bataille de Severodonetsk. Kiev avait fait état de 100 soldats morts et 500 tués quotidiennement dans la bataille la semaine dernière.
"La bombe est tombée juste ici", dit Maksym en pointant du doigt une partie du jardin. "Je ne sais pas qui a fait ça, mais si je le savais, je leur arracherais les bras".
Lyssytchansk, comme Severodonetsk, est désormais pratiquement déserte, avec des câbles électriques sectionnés, des magasins calcinés, des fumées noires qui s'échappent des maisons.
"Les Russes bombardent le centre-ville sans arrêt", a indiqué à l'AFP un policier local. "C'est 24h/24, +non stop+", ajoute son collègue.
L'armée russe a elle indiqué avoir lancé des missiles sur "une vingtaine de zones" du Donbass, ainsi que sur la ville de Kharkiv, plus au nord. Et avoir procédé à des frappes aériennes sur une centaine de zones de "concentration de main-d'œuvre et d'équipements militaires des forces armées ukrainiennes".
- "Davantage d'armes lourdes" -
Le chef de l’administration présidentielle ukrainienne Andriï Iermak a également réclamé mardi sur Telegram "davantage d’armes lourdes et une formation rapide de nos militaires. Tout le reste est perçu comme faiblesse".
Washington a commencé à livrer à Kiev de l'équipement lourd, dont des obusiers dans un premier temps, puis des équipements de pointe comme les systèmes de lance-roquettes multiples Himars, des pièces d'artillerie de haute précision et d'une portée légèrement supérieure à celles de l'armée russe.
Une accélération des livraisons devrait être discutée mercredi à Bruxelles, lors d'une réunion du Groupe de contact pour l'Ukraine autour du ministre de la Défense américain Lloyd Austin.
- Macron, Scholz et Draghi en Ukraine jeudi ? -
Sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron doit se rendre mardi en Roumanie, pour saluer les 500 soldats français qui y sont déployés sur une base de l'Otan. Le président français, qui assume la présidence tournante de l'Union européenne jusqu'au 30 juin, se rendra ensuite en Moldavie, avant un possible déplacement à Kiev jeudi.
Une telle visite en Ukraine - qui serait une première pour le président français depuis le début de l'invasion russe le 24 février - pourrait se dérouler en compagnie du chancelier allemand Olaf Scholz et du Premier ministre italien Mario Draghi, selon des médias allemands et italiens.
La présidence française n'a pas confirmé ces informations, soulignant que "rien n'est acté" à ce stade.
Une telle visite interviendrait alors que l'UE doit décider, lors d'un sommet les 23 et 24 juin, si elle accorde à l'Ukraine le statut officiel de candidat à une adhésion au bloc européen. La Commission européenne doit elle rendre son avis avant la fin de la semaine.
"Je pense qu'il faut donner ce signal à l'Ukraine, être ouvert à cette candidature", a déclaré le ministre français chargé de l'Europe Clément Beaune sur la radio France Inter. "Il faut donner un signal positif le plus vite possible".
Mais il a répété que le statut de candidat n'était que le début d'un processus d'adhésion qui "prend du temps" - des années voire des décennies.
Autre front diplomatique: le sort des deux Britanniques et du Marocain condamnés à mort par les séparatistes prorusses pour "mercenariat", pour avoir combattu aux côtés des Ukrainiens à Marioupol.
La cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss a indiqué mardi faire "tout son possible" pour obtenir la libération de ses ressortissants, sans révéler sa stratégie.
Londres n'a pour l'instant pas demandé à Moscou d'intervenir en faveur des deux Britanniques, a indiqué de son côté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
"Tout dépendra d'une demande de Londres, bien sûr, mais je suis sûr que la partie russe sera prête à écouter", a-t-il ajouté. Il a néanmoins souligné que le Royaume-Uni devait aussi s'adresser aux autorités séparatistes prorusses de Donetsk, Etat autoproclamé que seule la Russie a reconnu, quelque jours avant de lancer sa vaste offensive militaire contre l'Ukraine.
- Combats dans le sud -
Outre l'est de l'Ukraine, des combats font aussi rage dans le sud du pays. Dans la nuit de lundi à mardi, le commandement Sud des troupes ukrainiennes a signalé des combats aériens et attaques d'hélicoptères russes sur les positions ukrainiennes à Mikolaïv et Kherson.
A Mikolaïv, grand port de l'estuaire du Dniepr, l'avancée russe a été stoppée aux abords de la ville et l'armée ukrainienne y a creusé des tranchées, a constaté une équipe de l'AFP.
Les Ukrainiens redoutent que les Russes organisent prochainement un référendum dans la région de Kherson - proche de la péninsule de Crimée - et d'autres zones occupées par les forces russes, en vue d'une annexion à la Russie.
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K. Berger--BTZ