Dernière ligne droite du réquisitoire marathon au procès des attentats du 13-Novembre
Quelles peines réclamées contre Salah Abdeslam et ses 19 coaccusés? Le parquet national antiterroriste (Pnat) achève vendredi après-midi son réquisitoire-marathon au procès des attentats du 13-Novembre, six ans et demi après une nuit d'horreur qui a fait 130 morts.
Depuis mercredi, les trois représentants du Pnat reconstituent méticuleusement "le puzzle" des pires attaques commises sur le sol français, de la genèse du projet né en Syrie au recrutement de "jihadistes aguerris" par le groupe Etat islamique, jusqu'aux ultimes préparatifs.
Pendant les onze premières heures de leurs réquisitions, les avocats généraux ont, dans un exposé précis et parfois aride, décortiqué les charges qu'ils retiennent à l'encontre des 20 accusés renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris, dont six jugés en leur absence.
Douze d'entre eux encourent la réclusion criminelle à perpétuité.
Le Pnat demandera-t-il la perpétuité avec une période de sûreté "incompressible" contre Salah Abdeslam, unique membre encore en vie des commandos qui ont frappé la France le 13 novembre 2015, sidérant le pays?
L'accusation a éreinté jeudi la ligne de défense de Salah Abdeslam. Resté mutique pendant la quasi-totalité de l'enquête, le Français de 32 ans a affirmé à plusieurs reprises à l'audience avoir "renoncé" à déclencher sa ceinture explosive le soir des attentats, "par humanité".
Il a assuré avoir rejoint la cellule jihadiste "au dernier moment", contestant avoir été "une véritable recrue" ou même un "remplaçant", a relevé l'avocat général Nicolas Le Bris, ironisant sur ce prétendu rôle du "terroriste tombé du ciel".
"Tout cela n'est pas crédible", a balayé le magistrat. "Son but était de couper tout lien avec les terroristes, s'en désolidariser".
- "Conviction" -
Voisin loquace de box et ami d'enfance de Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles en mars 2016, était lui aussi "bien prévu" pour le 13-Novembre, selon le parquet.
Il avait la veille accompagné les commandos dans le "convoi de la mort" de Bruxelles à la région parisienne.
Son "départ précipité" dans la nuit du 12 au 13 novembre 2015, dû selon l'accusation à un renoncement de dernière minute, a "constitué un imprévu pour tous les membres des commandos", a estimé Nicolas Le Bris.
Le parquet s'est dit "convaincu" que "11 hommes" devaient faire partie des commandos. Tout comme il a "la conviction" que les accusés Osama Krayem et Sofien Ayari devaient "commettre un attentat le soir du 13 novembre" à l'aéroport de Schiphol, à Amsterdam.
Le "pourquoi" de leur renoncement reste un mystère mais ils sont les "deux survivants des commandos néerlandais", a lancé Nicolas Le Bris.
Membres d'une même cellule dont les commandos sont "interchangeables" et des "machines à tuer", le Suédois Osama Krayem et le Tunisien Sofien Ayari sont "bel et bien" pour le ministère public les "complices" des attentats commis à Paris et Saint-Denis.
Dans son réquisitoire, l'accusation n'a pas non plus épargné les 10 autres accusés présents, soupçonnés d'avoir apporté leur aide à la cellule.
Le Pnat ne fait "pas de confusion entre les niveaux de responsabilité de chacun", a assuré l'avocat général Nicolas Braconnay. Pour autant, "nous récusons fortement l'expression de +seconds couteaux+".
"Tous protestent qu'ils ont les mains propres" mais "par conviction, complaisance, lâcheté ou appât du gain, ils ont nourri la bête, ils ont logé la bête, ils ont transporté la bête, ils ont protégé la clandestinité de la bête, ils ont contribué à armer la bête", a égrené le magistrat.
Sans eux, "il n'y aurait pas eu d'attentats", a-t-il insisté.
Les demandes de l'accusation sur les peines sont attendues vendredi en milieu d'après-midi.
La parole sera donnée à la défense à partir de lundi et pour deux semaines. Le verdict est attendu le 29 juin.
A. Bogdanow--BTZ