La Chine accusée de cautionner "au plus haut niveau" des exactions contre les Ouïghours
La Chine est accusée de cautionner "au plus haut niveau" des exactions contre la minorité musulmane des Ouïghours après de nouvelles révélations de presse sur la répression dans le Xinjiang, alors que la cheffe des droits humains de l'ONU entame mardi une visite de la région.
Un consortium de 14 médias étrangers a publié mardi des documents qu'il dit provenir du piratage d'ordinateurs de la police du Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine.
Ceux-ci jettent une lumière crue sur la situation des musulmans ouïghours. Parmi eux figurent des milliers de photographies présentées comme ayant été prises dans des "camps de détention" et montrant les visages de nombreux "détenus", dont des femmes, des mineurs et des personnes âgées.
Les documents écrits accréditent l'idée d'une répression ordonnée depuis le sommet de l'Etat chinois.
Ces nouvelles accusations sont "le dernier exemple en date du dénigrement du Xinjiang effectué par les forces anti-chinoises", a fustigé mardi Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
"Nous sommes consternés par ces informations et ces images choquantes", a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain, Ned Price, à propos de la fuite de fichiers attribués à la police chinoise.
"Il semble très difficile d'imaginer qu'une action systématique visant à supprimer, à emprisonner, à mener une campagne de génocide et de crimes contre l'humanité n'ait pas la bénédiction - ou l'approbation - des plus hauts niveaux du gouvernement de la République populaire de Chine", a-t-il ajouté.
Washington accuse régulièrement Pékin d'être responsable d'un "génocide" au Xinjiang. La Chine dénonce le "mensonge du siècle" et présente les camps comme des "centres de formation professionnelle" destinés à combattre l'extrémisme religieux.
- "Eclaircissements" -
La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a "exigé des éclaircissements" lors d'un entretien avec son homologue chinois Wang Yi.
Ces révélations interviennent alors que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Michelle Bachelet, entame une visite très attendue dans la région chinoise du Xinjiang, après les accusations récurrentes contre Pékin de réprimer férocement les musulmans ouïghours.
Ce déplacement se fait pour l'heure dans la discrétion, la délégation onusienne étant tenue d'intégrer, au nom de la situation épidémique en Chine, une bulle sanitaire qui la tient à l'écart de la presse étrangère.
Aucun détail sur les lieux précis où ira Michelle Bachelet n'a été rendu public, ce qui interroge sur la latitude dont elle bénéficiera concrètement sur le terrain.
D'autant plus que le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, lui a dès lundi déclaré qu'il s'attendait avant tout à une visite qui puisse "clarifier la désinformation" dont la Chine s'estime victime.
Inquiets, Ouïghours de la diaspora et associations de défense des droits humains ont exhorté l'ex-présidente chilienne âgée de 70 ans à ne pas se laisser entraîner dans une opération de communication orchestrée par Pékin.
Dès mardi, l'agence de presse officielle Chine nouvelle a assuré que Mme Bachelet, devant Wang Yi, avait "félicité la Chine pour ses importantes réalisations en matière de développement économique et social et de promotion de la protection des droits de l'homme".
Des propos que la porte-parole de Mme Bachelet n'a ni confirmés, ni infirmés.
Le Xinjiang, longtemps frappé par des attentats sanglants attribués à des séparatistes et des islamistes ouïghours, fait l'objet depuis quelques années d'une répression menée au nom de l'antiterrorisme.
Des études occidentales accusent la Chine d'y avoir interné au moins un million de Ouïghours et de membres d'autres minorités musulmanes dans des camps de rééducation, voire d'imposer du "travail forcé" et des "stérilisations forcées".
- Attentats -
Pékin dit n'imposer aucune stérilisation, mais uniquement appliquer la politique de limitation des naissances à l'oeuvre dans l'ensemble du pays, auparavant peu mise en pratique dans la région.
Présente mardi et mercredi au Xinjiang, Michelle Bachelet doit se rendre dans la capitale régionale Urumqi, théâtre dans le passé de plusieurs attentats visant des civils.
Mme Bachelet ira également à Kashgar, dans le sud du Xinjiang, où la population ouïghoure est majoritaire et la campagne sécuritaire réputée être particulièrement féroce.
Nursimangul Abdureshid, Ouïghoure installée en Turquie, dit toutefois n'avoir "pas beaucoup d'espoir" que les visiteurs de l'ONU puissent "apporter un quelconque changement".
"Il faut qu'ils rendent visite à des victimes, comme les membres de ma famille, pas qu'ils participent à des mises en scène préparées à l'avance" par Pékin, déclare-t-elle à l'AFP.
Son frère a été condamné à près de 16 ans de prison, notamment pour "préparation (d'actes) violents et terroristes", a-t-elle récemment découvert dans un fichier révélé par l'AFP et réputé provenir d'une fuite des archives de la police.
- "Anti-chinoises" -
Michelle Bachelet est la première responsable onusienne des droits humains à se rendre en Chine depuis 2005, après des années d'âpres négociations avec Pékin sur les termes de sa visite.
"Mme Bachelet doit comprendre que ce qui est en jeu, c'est la confiance du monde dans les Nations unies", déclare Raphael David, de l'organisation International Service for Human Rights (ISHR).
Selon ses services, l'ex-présidente chilienne discutera avec des membres de la société civile travaillant sur les droits humains.
W. Winogradow--BTZ