Brésil: nouveau raid policier sanglant dans une favela de Rio
Une opération policière musclée a une nouvelle fois fini en bain de sang dans une favela du nord de Rio de Janeiro, faisant 11 morts, dix suspects et une habitante tuée par une balle perdue, mardi, un an après le raid des forces de l'ordre le plus meurtrier de l'histoire de la ville.
La police militaire, qui mène fréquemment ce genre d'opérations matinales dans les favelas de Rio contre les narcotrafiquants, assure avoir été accueillie par des tirs alors qu'elle entamait une opération destinée à "localiser et capturer des criminels cachés dans la favela" de Vila Cruzeiro.
"C'était une opération prévue depuis des semaines, mais nous avons identifié des déplacements de criminels pendant la nuit et nous avons décidé d'intervenir", a expliqué le colonel Luiz Henrique Marinho Pires, qui a précisé que les suspects s'apprétaient à fuir vers une autre favela.
Il a également révélé qu'un hélicoptère utilisé par les policiers lors de l'opération avait été atteint par plusieurs balles.
- Aucune arrestation -
L'opération, qui a débuté vers 4h00 du matin (7h00 GMT) visait mardi particulièrement le "Comando Vermelho" (commando rouge), l'une des principales factions criminelles du Brésil "responsable de plus de 80% des fusillades à Rio", a déclaré un porte-parole de la police à TV Globo.
Une femme de 41 ans atteinte par une balle perdue est morte sur le coup.
De nombreuses familles angoissées attentaient des nouvelles devant un hôpital, redoutant qu'un de leurs proches figure parmi les tués.
Trois personnes ont été blessées, deux habitants et un policier.
Vers midi des bruits d'explosions et de rafales de balles étaient encore entendus aux alentours de la favela, selon un photographe de l'AFP.
Treize fusils d'assaut, quatre pistolets, vingt motos et dix voitures ont été saisis lors de l'opération, mais la police n'a pas fait état de la moindre arrestation.
La fusillade la plus intense a eu lieu dans la partie haute de la favela, au sommet d'une colline où la forêt tropicale est barrée d'un chemin de terre.
En 2010, des images de dizaines d'individus armés fuyant par ce chemin de terre en pleine journée lors d'une opération policière de grande envergure avaient fait le tour du monde.
Vila Cruzeiro, favela située non loin de l'aéroport international de Rio, avait déjà été le théâtre d'un autre affrontement violent en février, quand huit personnes avaient été tuées par les forces de l'ordre.
En mai 2021, une opération policière dans la favela de Jacarezinho, à environ 10 km de Vila Cruzeiro, avait fait 28 morts, dont un policier, le bilan le plus lourd de l'histoire de la ville.
- Pas de caméras sur les uniformes -
"Encore un massacre. Les écoles fermées, des milliers de personnes terrorisées. C'est la faillite de tous les plans de réduction (de la violence policière), la politique d'extermination suit son cours à Rio", a tweeté le conseiller municipal de gauche Tarcisio Motta.
Lors de ces opérations musclées de la police militaire de Rio, des habitants et militants associatifs dénoncent souvent des bavures ou des exécutions extrajudiciaires de suspects, des exactions la plupart du temps impunies.
"Ces opérations dans les favelas mettent en péril toute la population et empêchent le fonctionnement des services publics. Nous savons qu'elles ne seraient jamais tolérées dans des quartiers chics", explique à l'AFP Guilherme Pimentel, auditeur de la Défense publique, qui fournit une assistance juridique aux plus démunis.
La police brésilienne est l'une de celles qui tue le plus au monde, avec plus de 6.100 morts en 2021, soit 17 par jour en moyenne.
Les policiers de Rio étaient censés porter des caméras-piétons sur leurs uniformes à partir de ce mois de mai, mais l'utilisation de ce matériel a été reportée en raison de retards de livraison, selon la presse locale.
Dans l'Etat voisin de Sao Paulo, le nombre d'épisodes violents impliquant des policiers a chuté de 87% depuis l'utilisation des caméras, qui s'est généralisée depuis 2021.
Au-delà de l'utilisation des caméras, les experts en sécurité préconisent l'abandon de la logique de confrontation permanente dans la lutte contre le trafic de drogue, pour s'attaquer plutôt aux ressources financières des factions criminelles.
Y. Rousseau--BTZ