La justice russe confirme la condamnation de Navalny à neuf ans de prison
La justice russe a confirmé mardi la condamnation à neuf ans d'emprisonnement en "régime sévère" du principal opposant de Russie, Alexeï Navalny, une décision attendue tant la répression s'est accrue ces dernières années et depuis l'offensive contre l'Ukraine.
A l'issue d'un procès express, le tribunal municipal de Moscou, saisi en appel par le charismatique militant anticorruption, a décidé de laisser "inchangé" le jugement prononcé en première instance, soulignant qu'il entrait "en vigueur immédiatement".
Le 22 mars, Alexeï Navalny, qui purgeait déjà une peine en colonie dite en "régime normal", avait été condamné à neuf ans de prison en régime "sévère", où les conditions de détention sont plus rudes.
Il revient désormais aux autorités pénitentiaires de le transférer vers un autre lieu de détention. Le nom de celui-ci ne sera annoncé qu'une fois que l'opposant sera arrivé sur place.
"L'endroit où il doit être transféré est connu pour les tortures et les assassinats de prisonniers", a néanmoins twitté la porte-parole de M. Navalny, Kira Iarmich, selon laquelle des rumeurs évoquent la colonie n°6 de Melekhovo, à plus de 200 km à l'est de Moscou.
M. Navalny était accusé notamment d'avoir détourné des millions de roubles de dons versés à ses organisations de lutte contre la corruption.
Cette peine comprend celle prononcée en mars 2021 pour "fraude", dans une affaire remontant à 2014 et impliquant l'entreprise française Yves Rocher.
Les avocats de l'opposant ont aussitôt indiqué qu'ils formeraient un pourvoi contre ce jugement.
Alexeï Navalny comparaissait en visioconférence depuis la colonie de Pokrov, à 100 km de Moscou, où il purge sa première peine.
Enfermé dans une cage, il a écouté le verdict attentivement et l'air maussade.
- "Mensonges" -
Appelé à s'exprimer juste avant la clôture des débats, l'opposant n'a pas mâché ses mots, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre du tribunal.
"Je méprise votre tribunal, votre système", a-t-il lancé, estimant que ce procès n'avait "pas de sens".
"Bien sûr que je n'ai pas envie d'être en cellule", a-t-il déclaré. "Je préfèrerais voir mes enfants grandir. Mais j'appelle les gens à ne pas avoir peur, avoir peur c'est un crime contre notre avenir".
"C'est justement vous, votre système et Poutine qui trahissez le peuple russe", a-t-il accusé, profitant de cette tribune pour dénoncer une nouvelle fois l'offensive militaire russe en Ukraine.
"Cette guerre est fondée sur un super mensonge", a-t-il déclaré alors que ce mot, lorsqu'il désigne l'offensive actuelle, lancée le 24 février, est interdit en Russie, sous peine d'amende ou de prison. "Il y a les mêmes mensonges dans ce verdict que dans les faits concernant cette guerre", a estimé l'opposant.
Mais "votre temps passera, et vous irez brûler en enfer", a-t-il conclu.
Alexeï Navalny avait été arrêté en janvier 2021 à son retour de Berlin, où il avait passé plusieurs mois en convalescence après un empoisonnement, dont il tient le président russe Vladimir Poutine pour responsable.
Ce dernier dément catégoriquement et aucune enquête n'a été ouverte.
Cette arrestation a marqué le point de départ de l'accélération d'une vaste répression de tous les mouvements anti-Kremlin et médias indépendants en Russie.
Celle-ci s'est encore accrue depuis le 24 février et la décision de Vladimir Poutine de lancer une offensive militaire contre l'Ukraine.
Les autorités russes ont vivement renforcé leurs pressions et leur arsenal juridique pour contrôler en Russie la communication sur le conflit, menaçant d'infliger des peines allant jusqu'à 15 ans de prison pour la diffusion de "fausses informations" sur l'armée russe.
Les principales organisations de l'opposant avaient été qualifiées d'"extrémistes" par la justice dès juin 2021, décision qui a entraîné leur fermeture et des poursuites contre nombre de leurs militants. Beaucoup d'entre eux sont désormais en exil.
Fin janvier, M. Navalny a lui-même été placé sur la liste des "terroristes et extrémistes".
D. Fjodorow--BTZ