L'Ukraine lutte pour le Donbass avec confiance, Eurovision en prime
La pression russe reste forte dans l'est de l'Ukraine, de l'aveu même de Kiev, convaincu de l'emporter après des revers russes sur le champ de bataille, et accompagné d'une victoire à l'Eurovision donnant du baume au coeur au pays en guerre.
"La situation dans le Donbass reste très difficile. Les troupes russes tentent d'y obtenir au moins une victoire", a reconnu samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Petit à petit, nous forçons les occupants à quitter nos terres".
"On se prépare à de grandes offensives à Severodonetsk, et autour de l'axe Lyssytchansk-Bakhmout", a affirmé Serguiï Gaïdaï, gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, décrivant une situation humanitaire de plus en plus critique. "La région de Lougansk est constamment sous un feu chaotique (...) il n'y a absolument ni gaz, ni eau ni éléctricité", a-t-il affirmé samedi soir.
Les Russes tentent notamment depuis trois semaines, sans succès, de franchir la rivière Severskyi Donets, au niveau du village de Bilogorivka, dans la région de Lougansk.
Dans ce village quasi désert, une équipe de l'AFP a vu les routes jonchées d'équipements militaires abandonnés. Il ne restait que trois coins couverts de suie d'une école bombardée il y a une semaine, une frappe que Kiev présente comme l'un des plus graves crimes commis par les forces russes depuis le début de leur invasion de l'Ukraine, avec 60 civils tués.
- "Prise significative" -
Dans l'Est, les Russes ne parviennent pas à faire de "prise significative", a estimé un responsable américain de la Défense sous couvert d'anonymat.
La situation semble aussi avoir basculé autour de Kharkiv, deuxième ville du pays. Les forces russes ont dû se retirer de plusieurs localités au nord-est de la ville, selon l'état-major ukrainien.
Mais selon l'Institut américain d'étude de la guerre (ISW), "l'Ukraine et ses partenaires occidentaux ne disposent probablement que d'une fenêtre d'opportunité réduite pour appuyer une contre-offensive dans les territoires occupés" par la Russie. Vladimir Poutine "entend probablement annexer le sud et l'est de l'Ukraine à la Fédération de Russie dans les prochains mois", selon cet institut.
Mais après 80 jours de guerre, la victoire de son pays à l'Eurovision de la chanson a galvanisé le président ukrainien, plus déterminé que jamais à l'emporter aussi sur le champ de bataille.
"Notre courage impressionne le monde, notre musique conquiert l'Europe", a réagi M. Zelensky, après le triomphe d'un groupe ukrainien samedi soir à Turin (Italie).
Plusieurs dirigeants européens lui ont emboité le pas, saluant ce succès hautement symbolique de l'Ukraine dans ce concours, très populaire en Europe, et dont la Russie était exclue.
Cette victoire est le "reflet évident non seulement de votre talent mais aussi du soutien indéfectible de l'Europe aux côtés de l'Ukraine", a déclaré le Premier ministre britannique Boris Johnson.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a souhaité quant à lui que l'édition 2023 de l'Eurovision se tienne "à Kiev dans une Ukraine libre et unie", tandis que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a rappelé: "L'UE est avec vous".
Euphorique après la décision de milliers de téléspectateurs européens en faveur du groupe Kalush Orchestra, M. Zelensky a immédiatement rapproché cette victoire avec celle, militaire, dont il se dit plus que jamais convaincu.
- "Choeur victorieux" -
"Je suis sûr que notre choeur victorieux dans la bataille contre l'ennemi n'est pas loin", a-t-il affirmé, promettant d'organiser "un jour" l'Eurovision dans une Marioupol "libre, pacifique et reconstruite", en référence à cette ville martyre où les derniers combattants ukrainiens sont retranchés dans l'aciérie d'Azovstal.
"S'il vous plaît, aidez l'Ukraine et Marioupol! Aidez Azоvstal", a d'ailleurs lancé sur scène le chanteur du Kalush Orchestra, Oleh Psiuk, dont la prestation a été ovationnée.
Selon Petro Andriouchtchenko, adjoint du maire de Marioupol, un important convoi de 500 à 1.000 voitures, qui attendaient de passer depuis trois jours, a finalement été autorisé samedi à rejoindre Zaporijjia, ville sous contrôle ukrainien située à quelque 230 km de Marioupol.
Hors d'Ukraine, la candidature imminente de la Finlande à l'Otan, qui sera officialisée dimanche, - et sans doute aussi de la Suède - est le principal point de tension avec Moscou.
Le président finlandais Sauli Niinistö en a officiellement informé samedi Vladimir Poutine par téléphone. "La conversation a été directe et sans détour et s'est passée sans contrariété. Eviter les tensions a été considéré comme important", a affirmé M. Niinistö, interlocuteur très régulier du président russe ces dernières années.
- "Une erreur" -
M.Poutine lui a signifié que le renoncement d'Helsinki à son non-alignement militaire historique "serait une erreur, puisqu'il n'y a aucune menace à la sécurité de la Finlande", selon le Kremlin.
Moscou avait menacé jeudi de riposter avec des mesures "technico-militaires", sans préciser lesquelles. Dans la nuit de vendredi à samedi, l'exportation d'électricité à la Finlande - environ 10% de la consommation du pays nordique -- a été suspendue.
La plupart des pays de l'Otan ont apporté leur soutien à une adhésion d'Helsinki, sauf la Turquie qui menace de bloquer.
La Finlande et la Suède ne peuvent être admises dans l'Otan qu'après un vote à l'unanimité de ses membres. Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu n'a cependant pas complètement fermé la porte et proposé d'en parler avec ses alliés et les pays concernés.
La Turquie reproche à ces deux pays d'abriter des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation considérée comme "terroriste" par Ankara (mais aussi par l'UE et les Etats-Unis), et pourrait leur demander des contreparties.
Une rencontre informelle des ministres des Affaires étrangères de l'Otan a débuté samedi à Berlin, consacrée à l'Ukraine. La Suède et la Finlande vont y avoir des entretiens bilatéraux avec la Turquie pour tenter de surmonter son hostilité.
Dans ce contexte, les chefs de la diplomatie du G7 (Allemagne, France, Italie, Canada, Etats-Unis, Japon et Royaume-Uni), réunis à Wangels (Allemagne), ont indiqué samedi qu'ils ne reconnaîtraient "jamais" les frontières que la Russie veut imposer à l'Ukraine. Et appelé de nouveau le Bélarus, voisin de l'Ukraine et allié de Moscou, à "cesser de faciliter l'intervention de la Russie".
burx/ob/ybl
F. Dumont--BTZ