Philippines: Marcos très attendu par la population pauvre après sa large victoire
Eduqué à Oxford et fréquentant la jet-set, le président élu des Philippines Ferdinand Marcos Junior n'en est pas moins apparu comme champion des pauvres pour remporter une victoire écrasante dans les urnes lundi.
Maintenant, ils attendent des résultats.
Les habitants de Baseco, quartier pauvre de Manille, ne voient pas M. Marcos Jr, surnommé "Bongbong", comme le rejeton ultra-riche d'une famille politique connue pour avoir extorqué des milliards, accumulé des chaussures de marque et considéré les caisses publiques comme un buffet à volonté.
Dans cet entrelacs de routes, de ruelles et d'allées grouillantes d'enfants des rues, de pousse-pousse et de vendeurs à la sauvette, Marcos est synonyme d'espoir.
Il prédit "beaucoup d'emplois", suffisamment pour tous, à la fin du mandat de six ans de M. Marcos.
"J'aurai peut-être un autre travail. Je deviendrai peut-être vigile", dit-il en admettant manquer de formation pour cela.
Comme beaucoup de jeunes Philippins, Foras s'est laissé entraîner dans le torrent de désinformation qui visait à redorer l'image de la famille Marcos sur les réseaux sociaux.
Les deux décennies de gouvernement Marcos ont été présentées comme un âge d'or pour les Philippines, afin de faire de Bongbong l'homme pouvant restaurer cette gloire passée fantasmée.
- "nous étions numéro un" -
"J'ai voté pour lui en raison de ce que son père a accompli", explique Foras. "Nous étions numéro un en Asie. J'ai simplement le sentiment qu'il le refera".
Le changement d'image des Marcos a rencontré un tel succès que, selon les premiers résultats, Bongbong est arrivé en tête, de peu, à Baseco, devant Isko Moreno, ancien acteur qui a grandi dans la pauvreté d'un bidonville voisin.
Mais les économistes préviennent que, même si le gouvernement Marcos n'entre pas dans une nouvelle ère de corruption et de népotisme, il lui sera difficile de tenir ses promesses.
Dans un pays où 43% des habitants se considèrent eux-mêmes comme pauvres et 39% s'en disent à la limite, la crise du Covid-19 a été particulièrement éprouvante.
Rolando Castillo, commerçant de 47 ans, raconte comment les longs confinements l'ont privé de revenus.
"A certains moments, nous avons dû utiliser utiliser les stocks de notre magasin parce que nous n'avions rien à manger".
Il a voté pour M. Marcos "parce que je veux que notre économie se porte mieux".
"Les Philippins attendent beaucoup de lui", ajoute-t-il.
Mais le père du président élu a fait des Philippines l'un des pays les plus endettés au monde et son fils aura peu de liquidités à investir pour la relance ou, point crucial, la stabilisation des prix des produits de base.
Patricio Gomez, 50 ans, a du mal à trouver un emploi à temps plein depuis l'amputation de sa jambe droite, et pour l'instant, il aide son frère qui tient un stand de nourriture.
Ces dernières années, ils ont survécu en livrant du sisig, un plat local composé de viande hachée et d'abats assaisonnés de soja et d'agrumes, et d'autres plats cuisinés.
Mais l'inflation, effet secondaire du Covid, continue de rendre la vie difficile.
"Avant la pandémie, l'électricité coûtait 400 pesos (7,20 euros) par mois, maintenant, c'est 800", soupire Patricio.
Il compte sur M. Marcos pour redresser la situation.
"Il a promis que les prix du riz et de l'électricité descendraient", rappelle-t-il.
Les plus anciens dans le quartier Baseco, qui ont vu la présidence circuler de mains en mains entre quelques dynasties politiques ultra-riches, espèrent que la vie s'améliorera sous Marcos, mais sans beaucoup d'illusion.
"On va bien voir ce qu'il va faire", lâche la poissonnière Mary Jane Serdoncillo, dont les attentes sont faibles.
"J'ai toujours vendu du poisson", ajoute-t-elle, "j'y suis habituée. J'ai vendu du poisson depuis que je suis jeune, jusqu'à ce que j'ai eu des enfants et des petits-enfants".
"Je n'ai plus de rêve".
F. Dumont--BTZ