Washington réunit ses alliés pour armer l'Ukraine, Gazprom cesse de livrer son gaz à la Pologne et la Bulgarie
Les Etats-Unis sont prêts à "remuer ciel et terre" pour faire gagner l'Ukraine contre la Russie, a affirmé mardi le chef du Pentagone lors d'une réunion avec ses homologues alliés en Allemagne, au moment où Moscou semble résolu à utiliser l'arme de ses livraisons de gaz.
Mardi soir, les autorités polonaise et bulgare ont indiqué avoir été avertis par le groupe gazier russe Gazprom de son intention d'interrompre dès le lendemain ses livraisons de gaz à ces deux pays, malgré les contrats les liant. Ces deux membres de l'Otan et de l'Union européenne (UE) se disent toutefois préparés à obtenir le gaz manquant par d'autres sources.
"L'Ukraine croit clairement qu'elle peut gagner et c'est aussi le cas de tout le monde ici", a déclaré le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin à l'ouverture d'une rencontre avec une quarantaine de pays sur la base aérienne américaine de Ramstein (Allemagne), organisée afin d'accélérer les livraisons d'équipements militaires que l'Ukraine réclame pour repousser l'invasion russe.
Les Ukrainiens ont surpris le monde en mars en repoussant une offensive russe sur Kiev, mais font face à des bombardements incessants et à une lente progression de l'armée russe dans le Donbass (est), que des séparatistes prorusses contrôlent déjà en partie depuis 2014, et dans le sud.
S'exprimant sur Facebook, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré : "Je peux dire quelque chose : l'armée ukrainienne aura de quoi se battre (...) Nous sommes entrés dans une nouvelle phase, à laquelle personne n'aurait pensé il y a deux mois. Le transfert aux forces armées ukrainiennes d'armes de l'Otan, aux standards de l'Otan. C'est en cours".
Après avoir initialement rechigné à fournir des armes offensives à l'Ukraine, les Etats-Unis, comme la Grande-Bretagne, la France et la République tchèque ont sauté le pas. Même l'Allemagne, particulièrement réticente, a annoncé mardi qu'elle allait autoriser la livraison de chars de type "Guepard".
Les Pays-Bas fourniront pour leur part des obusiers blindés de type Panzerhaubitze 2000 à Kiev, a confirmé le gouvernement hollandais.
Selon Mike Jacobson, un spécialiste civil de l'artillerie, les Occidentaux veulent permettre aux Ukrainiens de répliquer aux bombardements russes de longue portée, qui visent à faire reculer le gros des forces ukrainiennes pour ensuite envoyer chars et soldats occuper le terrain.
Plus largement, "nous voulons voir la Russie tellement affaiblie qu'elle ne pourra plus faire le genre de choses qu'elle a faites en envahissant l'Ukraine", a affirmé lundi M. Austin.
- Frappes russes -
En attendant l'acheminement de ces armes, sur le front du Donbass, la situation est compliquée et "sur le plan du moral, ce n'est pas rose du tout", a dit à l'AFP Iryna Rybakova, officier de presse de la 93e brigade ukrainienne.
Selon un conseiller du ministre de l'Intérieur ukrainien, les forces russes bombardent ponts et voies ferrées pour ralentir les livraisons d'armes occidentales.
L'armée russe a affirmé avoir mené mardi des frappes de missiles de haute précision contre 32 cibles militaires ukrainiennes, dont 20 zones de concentrations de troupes et d’équipements, et quatre dépôts de munitions près des localités de Slaviansk et Droujkovka dans la région de Donetsk.
Dans les régions du Donbass comme dans le sud, "l'ennemi effectue des frappes sur les positions de nos troupes sur toute la longueur de la ligne de front avec mortiers, artillerie et lance-roquettes multiples", a expliqué mardi le ministère ukrainien de la Défense.
Dans le sud, deux missiles russes ont notamment touché mardi matin la ville de Zaporijjia, faisant au moins un mort et un blessé, selon l'administration régionale.
Zaporijjia, grand centre industriel sur le Dniepr, a été ces dernières semaines le point d'accueil des civils ukrainiens fuyant Marioupol assiégée et d'autres villes bombardées du Donbass. Mais la ville se prépare maintenant à une attaque des Russes en provenance de la côte, selon Kiev.
Zaporijjia est proche de la plus grande centrale nucléaire de l'Ukraine, dont la situation est suivie de près par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Son patron Rafael Grossi, qui visitait Tchernobyl mardi pour le 36e anniversaire de la catastrophe nucléaire de 1986, a souligné que le niveau de radioactivité se situait "dans la normale", après avoir augmenté à certains moments pendant que les Russes l'occupaient, entre fin février et fin mars.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé mardi la Russie d'avoir placé le monde "au bord de la catastrophe" par son occupation, au début de son invasion de l'Ukraine, de la centrale de Tchernobyl.
"Le monde était à nouveau au bord de la catastrophe, car pour l'armée russe, la zone et la centrale de Tchernobyl étaient comme un territoire normal pour la conduite des opérations militaires", a dit M. Zelensky.
- Azovstal toujours pilonnée -
La situation semble par ailleurs bloquée à Marioupol, port stratégique à la pointe sud du Donbass presque entièrement contrôlé par les Russes.
Les forces russes continuent d'y pilonner le vaste complexe métallurgique Azovstal, où sont retranchés les derniers combattants ukrainiens avec, disent-ils, près de 1.000 civils, a souligné mardi le gouverneur de la région Pavlo Kyrylenko.
Dans un entretien téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le président russe Vladimir Poutine a martelé mardi que "les autorités de Kiev doivent prendre leurs responsabilités politiques et intimer l'ordre de déposer les armes" aux combattants, selon le Kremlin.
- Guterres à Moscou -
C'est dans ce contexte que le secrétaire général des Nations unies était mardi à Moscou, sa première visite dans la capitale russe depuis le début d'un conflit qui a chamboulé les grands équilibres mondiaux et anéanti toute coopération entre la Russie et les Occidentaux.
"J'ai proposé la création d'un groupe de contact réunissant la Russie, l'Ukraine et les Nations unies afin de rechercher les possibilités d'ouverture de couloirs humanitaires", a déclaré Antonio Guterres.
A l'issue de sa rencontre avec le chef de l'ONU au Kremlin, Vladimir Poutine a affirmé croire toujours en une issue positive des négociations. "Malgré tout, les négociations se poursuivent (...) J'espère que nous arriverons à un résultat positif", a-t-il déclaré.
- Appel au calme en Moldavie -
Mais les pourparlers russo-ukrainiens semblent plus que jamais dans l'impasse. Alors que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky de "faire semblant" de négocier, son homologue américain Antony Blinken a déclaré mardi que Vladimir Poutine n'avait pas démontré de "sérieux" dans ses intentions de négocier.
Et la menace d'une extension du conflit demeure. L'inquiétude monte en Moldavie, au sud de l'Ukraine, après une série d'explosions lundi et mardi dans la région séparatiste de Transdniestrie soutenue par Moscou.
"Nous appelons nos concitoyens à rester calmes", a déclaré la présidente moldave Maïa Sandu après avoir réuni son conseil de sécurité nationale. "Il s'agit d'une tentative d'accroître les tensions. Les autorités moldaves veilleront à empêcher la république d'être entraînée dans un conflit".
"La Russie veut déstabiliser la région de Transdniestrie et laisse entendre que la Moldavie doit s'attendre à +des invités+", a mis en garde le conseiller de la présidence ukrainienne, Mikhaïlo Podoliak.
Un général russe, Roustam Minnekaïev, avait dit la semaine dernière que la prise du sud de l'Ukraine permettrait aux Russes d'avoir un accès direct à cette région.
Sans aller jusqu'à attribuer la responsabilité des explosions à Moscou, comme le fait Kiev, le porte-parole du département d'Etat américain Ned Price a déclaré devant la presse: "Nous demeurons préoccupés face à toute tentative potentielle d'engendrer une escalade des tensions."
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M. Taylor--BTZ