L'Ukraine est une "scène de crime" pour la CPI, combats à Marioupol
L'Ukraine est devenue une véritable "scène de crime", a estimé mercredi à Boutcha, près de Kiev, le procureur de la Cour pénale internationale, pendant que les forces russes poursuivaient leur offensive pour faire tomber Marioupol, dans le sud-est.
"Nous sommes ici parce que nous avons de bonnes raisons de penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis. Nous devons transpercer le brouillard de la guerre pour parvenir à la vérité", a lâché devant la presse le procureur de la CPI, le Britannique Karim Khan.
Il s'exprimait de Boutcha, cette localité devenue le symbole des atrocités du conflit depuis que des centaines de corps, selon les autorités ukrainiennes, y ont été découverts fin mars, la Russie niant pour sa part toute exaction en Ukraine.
Jugeant que toute "l'Ukraine est une scène de crime", M. Khan a précisé qu'une équipe médico-légale de la Cour pénale internationale se préparait à travailler "afin que nous puissions vraiment séparer la vérité de la fiction".
Quelque "1.026 militaires ukrainiens de la 36e brigade d'infanterie de marine ont volontairement déposé les armes et se sont rendus" dans la zone d'une usine métallurgique, dont 150 étaient blessés et ont été pris en charge, a précisé le ministère russe de la Défense.
Dans la nuit de mardi à mercredi, un reportage de la télévision publique russe annonçant la reddition a montré des hommes en tenue de camouflage transportant des blessés sur des brancards.
- Pas de couloirs humanitaires -
La prise de cette cité serait une victoire importante pour les Russes car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d'Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.
Si certains experts militaires jugent sa chute inévitable, des militaires ukrainiens continuent de résister aux Russes, les combats se concentrant désormais dans la gigantesque zone industrielle de cette ville dont entre 20 et 22.000 des habitants ont au total péri d'après Pavlo Kirilenko, le gouverneur ukrainien de la région de Donetsk.
Les bombardements aériens russes sur Marioupol se poursuivaient, visant notamment le port et le vaste complexe métallurgique Azovstal, a fait savoir mercredi l'armée de terre ukrainienne.
Ce labyrinthe, transformé en bastion par les soldats ukrainiens qui se sont retranchés dans ses kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée.
Sur place, des journalistes de l'AFP embarqués avec les forces russes ont vu les ruines calcinées de cette ville que les Ukrainiens disent "détruite à 90%".
Depuis le début de la semaine circulent des rumeurs, jusqu'ici non confirmées, d'emploi d'armes chimiques par les Russes à Marioupol.
Selon le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, "les forces russes pourraient (y) utiliser (...) notamment du gaz lacrymogène mélangé avec des agents chimiques" contre les "combattants et les civils ukrainiens". Moscou affirme de son côté que "la menace de terrorisme chimique" vient des Ukrainiens.
Les bombardements se poursuivent également dans la partie orientale de l'Ukraine, où ils ont provoqué la mort de sept personnes ces dernières 24 heures à Kharkiv, une ville du nord-est aussi assiégée par les Russes depuis le début de l'invasion.
Kiev a appelé la population de ces régions à fuir au plus vite de peur d'une grande offensive russe imminente pour le contrôle total du Donbass, que les troupes ukrainiennes et leurs ennemis séparatistes prorusses se partagent depuis 2014.
Mais l'Ukraine a annoncé qu'elle n'ouvrirait aucun couloir humanitaire mercredi car les Russes "ont bloqué des cars" et "violent le cessez-le-feu" dans certaines zones, ce qui rend la situation "dangereuse".
Des analystes estiment que le président russe Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans le Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
A cet égard, le chef d'une des deux "républiques" séparatistes prorusses unilatéralement proclamées dans ce vaste territoire minier, Léonid Passetchnik, a affirmé mercredi que ses troupes contrôlaient désormais "80 à 90%" de la région de Lougansk, l'une des cibles prioritaires du Kremlin.
Moscou avait retiré fin mars son contingent qui occupait les environs de Kiev, disant vouloir désormais concentrer ses efforts sur le sud et l'est.
- "Douleur et souffrance" -
Autour de la capitale comme ailleurs, les autorités ukrainiennes disent continuer de trouver des cadavres chaque jour dans les zones dont les forces russes se sont retirées fin mars.
Dans un village du sud voisin de Kherson, une ville proche de la ligne de front, sept personnes ont été fusillées par des militaires russes dans une maison qu'ils ont ensuite fait exploser pour dissimuler le crime, a relevé mercredi le parquet général ukrainien.
A Dnipro, dans l'est, le maire-adjoint, Mikhaïl Lyssenko, a annoncé que les corps de plus de 1.500 soldats russes que "personne ne veut récupérer" reposaient dans des morgues de cette grande cité industrielle.
Le Kremlin a récemment admis des "pertes importantes", après avoir reconnu fin mars la mort de 1.351 soldats pour 3.825 blessés, les premiers chiffres fournis publiquement en plus de trois semaines.
Dans le même temps, à Tchernobyl, les autorités ont regretté ne pas pouvoir rétablir les moyens de surveillance de la radioactivité car "les serveurs qui gèrent ces informations ont disparu" à la suite de l'occupation russe de ce site nucléaire du nord de l'Ukraine.
A Washington, Joe Biden a pour la première fois mardi accusé Vladimir Poutine de "génocide" en Ukraine, un terme que ni son homologue français Emmanuel Macron ni le chancelier allemand Olaf Scholz n'ont repris le lendemain.
De tels propos sont "inacceptables", a répondu Moscou au président américain.
Le chef de l'Etat ukrainien Volodymyr Zelensky continue de son côté de réclamer "de toute urgence plus d'armes lourdes" pour "éviter davantage d'atrocités russes". Il souhaite toujours instamment la visite de M. Scholz, dont il attend rapidement des livraisons de telles armes, a affirmé mercredi un de ses conseillers, Oleksiï Arestovitch.
Les présidents polonais et baltes se sont quant à eux rendus mercredi à Borodianka, une petite ville ukrainienne près de Kiev qui a été le théâtre d'exactions présumées lorsqu'elle a été occupée par les Russes et que le président lituanien Gitanas Nauseda a dépeinte comme "imprégnée de douleur et de souffrance".
Et ce tandis que M. Zelensky a appelé l'Europe à agir plus rapidement contre Moscou, estimant que l'"on peut soit arrêter la Russie soit perdre toute l'Europe de l'Est".
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L. Andersson--BTZ