"Boucher" coupable de "génocide": quand Biden se fait l'accusateur en chef de Poutine
Vladimir Poutine, un "criminel de guerre", un "boucher" qui ne devrait pas "rester au pouvoir", et désormais coupable de "génocide": Joe Biden attaque avec toujours plus de virulence le président russe, prenant souvent ses alliés, et ses collaborateurs, par surprise.
Quand le président des Etats-Unis s'avance mardi vers les journalistes qui l'attendent pour rentrer à Washington, après une visite dans l'Iowa, Etat rural du "Midwest", la question fuse: pense-t-il vraiment que Vladimir Poutine commet en Ukraine un "génocide"?
Un peu avant, presque en passant, au détour d'un discours sur l'inflation et sur les biocarburants, entre un tracteur et un tas de maïs, le commandant en chef des Etats-Unis avait, pour la première fois, utilisé le terme.
"Le budget de votre famille, votre capacité à faire votre plein d'essence, rien de tout cela ne devrait dépendre du fait qu'un dictateur déclare la guerre et commet un génocide à l'autre bout du monde", avait-il déclaré.
Très vite, la Maison Blanche promet aux journalistes présents une clarification. Sous l'aile d'Air Force One, Joe Biden enfonce le clou: "Oui, j'ai appelé ça un génocide."
Il relève certes que "les avocats, au niveau international", trancheront sur la qualification de génocide, mais lance avant d'embarquer: "Pour moi, cela y ressemble bien."
En petit comité, des responsables américains assuraient pourtant il y a encore quelques jours qu'il serait "très difficile" de qualifier sur le plan juridique les "atrocités" imputées aux forces russes de "génocide".
Interrogé par l'AFP pour savoir s'il était parvenu à la conclusion formelle qu'un génocide est commis en Ukraine, le département d'Etat américain, dont c'est le rôle, a refusé de se prononcer.
Voilà donc le président américain qui se fait une nouvelle fois l'accusateur en chef du président russe.
- "Pour l'amour de Dieu" -
Il a ainsi qualifié Vladimir Poutine de "criminel de guerre" le 16 mars, puis de "boucher" le 26 mars, à chaque fois à l'occasion d'échanges brefs et spontanés avec la presse.
Bien avant, par exemple, que les Occidentaux ne réagissent avec horreur, début avril, à la découverte de nombreux corps à Boutcha, cette ville proche de Kiev reprise par l'armée ukrainienne.
Joe Biden a aussi fait le 26 mars cette sortie fracassante, en conclusion d'un discours par ailleurs très calibré à Varsovie: "Pour l'amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir."
Dans ce dernier cas, le président a visiblement pris de court ses collaborateurs.
Alors que son convoi fonçait vers l'aéroport de la capitale polonaise, la Maison Blanche a mis au point en toute hâte des éléments de langage distribués aux journalistes, pour assurer que non, Washington n'appelait pas à un changement de régime en Russie.
Un peu plus tard, Joe Biden expliquera: avec ces mots, "j'exprimais mon indignation".
Sur l'utilisation des termes de "criminel de guerre" et de "génocide", même ressort: le président dit qu'il livre son ressenti, et qu'il laisse les caractérisations légales à d'autres.
Rien d'étonnant pour qui suit le démocrate de 79 ans. Il assume, sur nombre de sujets, pas seulement internationaux, de "parler avec le coeur", de laisser libre court à son tempérament émotif.
Quitte à déstabiliser ses alliés -- jeudi, le président français Emmanuel Macron, qui avait déjà critiqué à mots couverts l'utilisation du terme de "boucher", a refusé de reprendre à son compte celui de "génocide".
"C'est une folie ce qui est en train de se passer, c'est d'une brutalité inouïe (...) mais je regarde en même temps les faits et je veux essayer au maximum de continuer à pouvoir arrêter cette guerre et à rebâtir la paix, donc je ne suis pas sûr que l'escalade des mots serve la cause", a-t-il dit.
"Les escalades de mots ne servent pas forcément la cause" de la recherche d'une issue négociée en Ukraine, abonde un diplomate européen.
Mais avec ces sorties qui suscitent immanquablement l'indignation de Moscou, le président américain cherche aussi à "répondre" à des "pressions" du Congrès qui le pousse à accroître son soutien à l'Ukraine et durcir le ton avec Vladimir Poutine, estime ce diplomate.
Comme Joe Biden a d'ores et déjà exclu d'envoyer des soldats en Ukraine, il ne lui reste que les envois, massifs, d'armement à Kiev. Et les mots.
P. Rasmussen--BTZ