L'étau se resserre sur Marioupol et l'est de l'Ukraine, dans l'attente de la bataille du Donbass
Les forces russes maintenaient mardi la pression sur la ville portuaire de Marioupol et dans l'est de l'Ukraine, où se révèlent au fil des jours les pertes civiles avant même la grande bataille promise incessamment pour le contrôle du Donbass.
Le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, a ainsi révélé mardi qu'environ 400 civils avaient été enterrés depuis le début de la guerre le 24 février à Severodonetsk, ville de l'est du pays où l'armée russe est à l'offensive.
Les morgues dans les villes de la région "débordent de corps de civils morts", a ajouté Serguiï Gaïdaï sur Telegram, précisant que des fosses communes étaient aussi creusées dans la ville voisine de Lyssytchansk.
A Marioupol, ville du sud-est assiégée depuis plus de 40 jours par l'armée russe, largement détruite et où le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit craindre des dizaines de milliers de morts parmi la population, la position des troupes ukrainiennes paraissait désespérée.
Selon le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, sur Twitter, "les soldats ukrainiens sont encerclés et bloqués" dans la ville où "90% des maisons" ont été détruites.
- "Combats de rue" -
La ville est en proie "jour et nuit" à "des combats de rue", a déclaré mardi le gouverneur ukrainien de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, sur Telegram. Il a cependant admis n'avoir "presque plus de contacts" avec Marioupol.
Les forces ukrainiennes "continuent de défendre Marioupol", avait assuré lundi l'armée de terre ukrainienne sur Telegram, assurant être toujours en contact avec les unités qui "tiennent héroïquement la ville".
L’armée russe a affirmé de son côté avoir fait échouer lundi une tentative de percée d'une centaine de militaires ukrainiens avec des blindés qui se trouvaient dans une usine du nord de la ville.
L'existence de ce vaste complexe métallurgique transformé en bastion par les forces ukrainiennes de Marioupol, avec des kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée pour le contrôle total de Marioupol, voire le recours à des armes chimiques, envisagé par les séparatistes prorusses du Donbass.
- "Centaines de viols" -
Mardi, le président Zelensky a dénoncé "des centaines de cas de viol" constatés selon lui dans les zones précédemment occupées par l’armée russe après le début de l'invasion le 24 février, "y compris de jeunes filles mineures et de tout petits enfants".
La veille, des responsables de l'ONU avaient réclamé des enquêtes sur les violences à l'encontre des femmes en Ukraine, et demandé de protéger des enfants déplacés par millions en raison du conflit. "Nous entendons de plus en plus parler de viols et de violences sexuelles", a souligné Sima Bahous, directrice de l'agence onusienne ONU Femmes.
"Presque quotidiennement, on retrouve de nouvelles fosses communes", a par ailleurs déclaré M. Zelensky, qui s'adressait au parlement lituanien par liaison vidéo. "Des milliers et des milliers de victimes. Des centaines de cas de tortures. On continue de retrouver des corps dans les égouts et les caves".
Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays nie toute exaction en Ukraine, a qualifié mardi de "fake" les informations accusant ses soldats d'avoir massacré des centaines de civils à Boutcha, localité de la banlieue nord-ouest de Kiev, après le retrait fin mars des soldats russes qui l'ont assiégée pendant plusieurs semaines.
L'AFP y a néanmoins vu samedi le 2 avril les corps sans vie d'au moins vingt hommes portant des vêtements civils gisant dans une rue de Boutcha. L'un des hommes avait les mains liées et les cadavres étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres.
- Exhumation de civils -
Autour de Kiev, les corps de six personnes tuées par balles retrouvés dans un sous-sol dans la banlieue est, selon le Parquet général ukrainien, se sont ajoutés mardi aux centaines d'autres retrouvés ces deux dernières semaines dans les environs de la capitale qui ont été sous contrôle russe ces dernières semaines.
A Andriïvka, un village situé à 30 km à l'ouest de Kiev qui était encore sur la ligne de front il y a quelques semaines, des journalistes de l'AFP ont assisté à l'exhumation des corps d'autres victimes, trois hommes en habits civils.
Parmi eux, celui de Iouri Kravtchennia. Selon sa femme, Olessia, il été abattu dans la rue juste après le début de l'invasion russe, alors qu'il se tenait mains en l'air.
Alors que sa dépouille était sortie de terre, Olessia a hurlé de douleur. Elle s'est ruée à ses côtés mais ses jambes se sont dérobées, et elle s'est effondrée. "Ça fait 41 jours qu'il n'est plus là et je pleure. Je ne peux pas continuer sans lui", a-t-elle dit.
Dans l'est, frontalier de la Russie et où Moscou a fait de la conquête totale du Donbass son objectif prioritaire, Kiev a annoncé s'attendre, à brève échéance, à une importante offensive.
"Selon nos informations, l'ennemi a presque terminé sa préparation pour un assaut sur l'est. L'attaque aura lieu très prochainement", a averti le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianik.
Des civils continuaient de fuir les régions de Lougansk et Donetsk, d'où six trains d'évacuation devaient partir mardi selon l'administration régionale de Lougansk.
"Tous mes parents sont originaires de Russie, j'y suis née. Mon père et ma mère aussi. J'ai de la famille partout en Russie. Ici, dans le Donbass et à Kramatorsk, vivent des personnes de toutes les nationalités (...) Où a-t-il vu des nazis ?", demande à Sloviansk, une ville de la région, Valentina Oleynikova, 82 ans, qui part avec son mari.
Elle fait référence au président russe qui justifie l'invasion de l'Ukraine par une prétendue volonté de "dénazifier" le pays.
- Il "ne s'arrêtera pas" -
Des analystes estiment que Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans cette région avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
En visite mardi dans l'Extrême-Orient russe, M. Poutine a assuré que l'offensive de ses forces en Ukraine se poursuivait "calmement" et en minimisant les pertes.
"Nous allons agir de manière harmonieuse, calmement, en conformité avec le plan proposé dès le départ par l'état-major", a dit M. Poutine.
Il a affirmé que si les négociations, désormais au point mort, ne débouchaient pas, c'est à cause des "incohérences" de la partie ukrainienne.
Kiev, de son côté, a confirmé que les négociations étaient "extrêmement difficiles" avec Moscou, avec un "côté émotionnel" important, selon le conseiller de la présidence Mykhaïlo Podoliak.
Vladimir Poutine a en fait "décidé qu'il ne s'arrêterait pas", a déclaré le président français Emmanuel Macron dans un entretien publié par l'hebdomadaire Le Point, disant croire "assez peu à notre capacité collective à le mettre autour d'une table de négociation à court terme".
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier, mardi à Varsovie, a appelé à mettre fin à la "barbarie", mais à dû reconnaître son "erreur" d'avoir misé sur les relations économiques avec Moscou, et a révélé avoir reçu un camouflet de la direction ukrainienne qui n'a "pas souhaité" le recevoir à Kiev.
Plus de 4,6 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis l'invasion ordonnée par Vladimir Poutine le 24 février, selon les derniers chiffres publiés mardi par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
La guerre en Ukraine a déclenché une réaction en chaîne dans l'économie mondiale avec une hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires qui va aggraver pauvreté et faim, et alourdir le fardeau de l'endettement, a affirmé mardi le président de la Banque mondiale.
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L. Pchartschoy--BTZ