Mozambique : des rebelles capturés révèlent du découragement parmi les jihadistes
De rares entretiens avec des combattants jihadistes récemment capturés dans le nord du Mozambique révèlent un moral en berne chez ces groupes armés affaiblis depuis l'arrivée, il y a six mois, des forces rwandaises dans la région riche en gaz.
La presse a récemment pu avoir accès à certains de ces combattants liés au groupe Etat islamique, faits prisonniers lors d'opérations des troupes rwandaises.
Jusuf Mohamed, membre de ces groupes qui terrorisent depuis 2017 la province pauvre du Cabo Delgado, frontalière avec la Tanzanie, reconnait que ses camarades ont perdu du terrain ces derniers mois.
Ils n'ont jamais craint les soldats mozambicains. Mais depuis le déploiement des Rwandais, ils "ont commencé à avoir peur et se sont bien affaiblis", dit le jeune homme fluet, cheveux ras et chemise colorée. "Ils ont perdu de leur pouvoir" et "s'enfuient maintenant dès qu'ils entendent le premier coup de feu rwandais".
Des lance-roquettes, fusils et téléphones portables saisis sont alignés au sol dans la base où il est retenu prisonnier.
En juillet, le Rwanda a déployé 1.000 soldats. On les appelle depuis les "majeshi makali", des "soldats très forts" en swahili.
Les commandants jihadistes ont donné pour instruction à leurs hommes de "ne pas attaquer" les Rwandais, selon Mohamed, qui a participé à l'attaque surprise contre Palma, près du complexe gazier du groupe Total, en mars 2021, et qui a été capturé début février.
Son compagnon Madi Muhamed Sadi reconnaît qu'ils ne peuvent plus riposter contre "la nouvelle armée" comme avec les forces mozambicaines.
Les jihadistes ne "font que fuir maintenant" quand ils sont attaqués, assure le Tanzanien large d'épaules, précisant que la plupart de leurs cadres sont de la même nationalité que lui, "sauf quelques Mozambicains et trois hommes blancs, dont deux ont été tués avant mon arrivée".
Il ne précise pas de date pour son enrôlement dans ce conflit qui a déjà fait plus de 3.700 morts et 800.000 déplacés, et forcé le géant Total à suspendre ses opérations dans la région.
- Un mois entier de viols -
Fin 2021, le président mozambicain Filipe Nyusi a affirmé que le nombre d'attaques jihadistes avait chuté depuis le déploiement de plus de 3.100 soldats africains, européens et américains.
Des attaques sporadiques contre des civils sont encore signalées dans la zone de Macomia, comme le week-end dernier où quatre personnes ont été tuées. La violence se déplace aussi vers la province voisine de Niassa (nord-ouest).
Les jihadistes affaiblis ne renoncent pas à leur objectif de promouvoir un califat. "Nous ne pouvons pas abandonner, nous devons continuer. Nous ne pouvons pas revenir en arrière", assure le prisonnier tanzanien.
Aby Bakhar Selim a été contraint de rejoindre les rangs des extrémistes après un de leurs raids contre son village du district de Macomia. Ils ont décapité son père avant de l'enlever, ainsi que son frère et sa jeune soeur.
"Ils l'ont violée et maintenant elle est enceinte", soupire-t-il, scandalisé par les méthodes du groupe. "Cela me fait vraiment mal quand je me souviens" de la douleur infligée aux femmes et aux enfants, qui "meurent là-bas sans raison".
"Les femmes sont violées, quotidiennement", dit-il.
Une de ces victimes, Elise Joaki, une bonne vingtaine d'années, a récemment échappé aux groupes armés et s'est réfugiée sur la base des soldats rwandais. Elle raconte les horreurs de l'asservissement, des violences et des viols.
"Quand vous arrivez là-bas en tant que femme, vous passez le premier mois entier à être violée pour vous +préparer+ à appartenir à un homme qu'ils choisiront pour vous", explique la jeune femme tressée, une étole autour des épaules.
Et si "vous refusez de coucher avec lui, il vous battra", poursuit-elle. "Si tu enlèves ton voile et que tu as la malchance d'être vue par un homme, il te battra aussi", dit-elle d'un air détaché, revenu de tout.
"La vie là-bas est épouvantable, tout le temps", dit-elle encore.
Les hommes capturés, qui doivent prochainement être remis aux autorités mozambicaines, ont confié être bien traités mais craignent ce qui leur arrivera lorsqu'ils changeront de gêoliers.
D. Wassiljew--BTZ