Le Sénat se lance dans la bataille de l'assurance emprunteur
Le Sénat à majorité de droite s'attaque mercredi à la réforme de l'assurance emprunteur, dont la mesure phare, la possibilité pour l'acheteur d'un logement d'en changer, sans frais, à tout moment et plus seulement à la date anniversaire, a été supprimée en commission.
L'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a appelé les sénateurs à réintroduire cette disposition dans l'hémicycle, "seul antidote à la sclérose du marché, et l'occasion de libérer 550 millions d'euros par an de pouvoir d'achat", thème au coeur de la campagne présidentielle.
Soutenue par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, la proposition de loi "pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur", portée par la députée Patricia Lemoine (groupe Agir), a été adoptée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture.
Si les sénateurs restent en séance sur leur version, et qu'ensuite députés et sénateurs ne parviennent pas à un compromis en commission mixte paritaire, c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. La prochaine étape dans l'hémicycle du Palais Bourbon est fixée au 10 février.
Le marché de l'assurance emprunteur est évalué à près de 10 milliards d'euros de cotisations par an, et concerne près de sept millions de propriétaires ayant un crédit en cours.
L'objectif de la proposition de loi est d'introduire davantage de concurrence dans le secteur bancaire, en position de force dans ce domaine (88% de part de marché), et celui des assurances, afin de faire baisser les coûts.
Depuis 2010, la loi Lagarde permet aux emprunteurs d'opter pour une autre assurance que celle proposée par leur banque. Et plusieurs autres lois ont ensuite déjà oeuvré pour plus de concurrence, permettant notamment aux clients de changer d'assurance tous les ans, mais les assureurs alternatifs accusent les banques, qui détiennent la majorité du marché, de faire obstruction.
Cette possibilité "fonctionne" et a conduit "à une baisse effective des coûts" pour les assurés, soutient pour sa part le rapporteur du texte au Sénat Daniel Gremillet (LR).
- 3.800 euros de gain -
Les sénateurs ont supprimé en commission la possibilité de résiliation à tout moment, estimant que ce dispositif ne créerait pas de nouvelles économies, mais risquerait de pénaliser les publics âgés et fragiles.
Ils ont à la place proposé de renforcer l'information des assurés sur le droit actuel.
L'assureur aurait en particulier l'obligation d'informer chaque année son client de son droit de résiliation ainsi que des modalités de mise en œuvre de ladite résiliation et des différents délais qu'il doit respecter. La notion de "date d'échéance", à partir de laquelle est calculée aujourd'hui la période durant laquelle l'assuré est autorisé à résilier, serait clarifiée.
Le gouvernement a déposé un amendement pour tenter de rétablir en séance le coeur de la proposition de loi. Cette disposition devrait permettre à "un primo-accédant" d'économiser en moyenne "plus de 3.800 euros de frais d'assurance sur la durée de son emprunt", selon l'exposé des motifs de l'amendement.
Pour sa part Nicolas Théry, président de la Fédération bancaire française, a salué le "point d'équilibre" proposé par les sénateurs en commission "qui concilie mutualisation des risques, inclusion des moins favorisés et concurrence équitable".
En revanche, Eric Maumy, directeur général du courtier grossiste en assurance April et membre de l'Association pour la promotion de la concurrence en assurance des emprunteurs (Apcade), s'est étonné "que le Sénat puisse devenir le porte-parole de banquiers contre les consommateurs".
Autre modification majeure introduite en commission par les sénateurs qui fait aussi débat: la suppression du questionnaire médical pour les prêts immobiliers de moins de 200.000 euros qui arrivent à leur terme avant le 65e anniversaire de l'emprunteur.
D'autres points devraient également être âprement discutés, dont la réduction du délai du "droit à l'oubli" pour les pathologies cancéreuses et l'ouverture à de nouvelles maladies de la convention dite AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé).
L'assurance emprunteur couvre divers risques comme le décès, la maladie ou l'invalidité, protégeant à la fois les emprunteurs et les banques contre un éventuel défaut de remboursement.
S. Soerensen--BTZ