Dans le sud de l'Ethiopie, des survivants cherchent leurs proches "avalés" par la boue
Engloutie par le torrent de boue qui a dévalé la colline d'une zone reculée du sud de l'Ethiopie, Tseganesh Obole a miraculeusement survécu. Pas ses enfants, toujours prisonniers d'une gangue de glaise rouge que des sauveteurs improvisés tentent de déblayer avec de maigres moyens.
"J'ai été avalée par la coulée de boue en même temps que de nombreuses personnes, dont mes enfants", raconte cette femme de 30 ans.
Son frère Dawit a gratté à mains nues pour l'en extraire. Quand il est revenu après avoir mis sa soeur en sécurité, il n'a retrouvé que deux de ses six enfants. "Quatre de mes enfants sont morts et restent enterrés sous la boue", se lamente Tseganesh Obole.
Son mari est également toujours porté disparu, probablement enseveli lui aussi.
Lundi matin, après une nuit de fortes pluies, un glissement de terrain a submergé plusieurs maisons de Kencho Shacha Gozdi, un kebele (plus petite division administrative éthiopienne) vallonné et isolé de l'Etat régional de l'Ethiopie du Sud.
Les nombreux habitants qui se sont précipités pour porter secours ont à leur tour été engloutis par une nouvelle coulée.
Selon l'ONU, le bilan est désormais de 257 morts et pourrait atteindre les 500 tués. Le nombre des personnes manquantes est inconnu.
Ce glissement de terrain est le plus meurtrier connu en Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé du continent africain dont plus des trois-quarts des 120 millions d'habitants vivent dans des zones rurales.
- Energie du désespoir
Sur la pente où arbres et maisons ont été emportés, des habitants continuent de creuser, armés de simples pelles ou de sarcloirs, la terre rouge sous laquelle sont ensevelis nombre de leurs proches.
A côté de ceux qui creusent avec l'énergie du désespoir, des femmes et des hommes pleurent, certains s'effondrent, à mesure que des corps sont extraits de la boue collante et compacte.
Les agences gouvernementales et onusiennes ainsi que des ONG nationales et internationales déploient progressivement leurs équipes dans la zone.
Selon Firaol Bekele, directeur de la Division Alerte précoce à la Commission éthiopienne de gestion des risques de catastrophe (EDRMC), les opérations de recherche ont été renforcées par "des drones pilotés par des spécialistes de l'INSA", l'agence éthiopienne de cybersécurité.
Mais les machines d'excavation se font attendre dans cette zone difficilement accessible, au bout de plusieurs dizaines de kilomètres de piste non bitumée, détrempée par la pluie.
De l'aide est arrivée ces derniers jours. La Croix-Rouge a commencé à distribuer mardi des produits de première nécessité.
Selon l'ONU, plus de 15.500 personnes doivent désormais être évacués rapidement des zones alentour en raison du danger élevé de nouveaux glissements de terrain.
Dans l'Etat régional d'Ethiopie du Sud, comme dans de nombreux autres du pays, la "longue" saison des pluies a commencé en juin et doit durer jusqu'en septembre.
L'Etat fait partie des nombreuses zones déjà touchées par des inondations en avril et mai, pendant la "petite" saison des pluies.
Environ 18% de la population d'Ethiopie (21,4 millions de personnes) dépend déjà en temps normal de l'aide humanitaire et 4,5 millions de personnes sont actuellement déplacées par des conflits ou des catastrophes climatiques (sécheresse, inondations...), selon l'ONU.
L. Andersson--BTZ