Faut-il l'appeler "président Musk"?
Faut-il l'appeler "président Musk" comme le font déjà certains adversaires de Donald Trump? La bataille du moment autour du budget américain confirme en tout cas l'influence politique inouïe du multimilliardaire sur la présidence Trump, avant même qu'elle ne débute.
Mercredi 18 décembre. Il est un peu plus de 4h heures du matin quand l'hyperactif patron de Tesla et SpaceX assassine, sur le réseau social X dont il est propriétaire, un accord budgétaire tout juste conclu par le Congrès afin d'éviter une paralysie imminente des services de l'Etat fédéral, un "shutdown".
"Cette loi ne doit pas passer", écrit le multimilliardaire de 53 ans. Il lance une avalanche de messages contre ce texte pourtant soutenu par des élus républicains, rappelant furieusement la manière dont Donald Trump utilisait la plateforme du temps où elle s'appelait encore Twitter, pendant son premier mandat.
Elon Musk, chargé par Donald Trump d'une mission extra-gouvernementale de dérégulation et de réduction de la dépense publique, se déchaîne contre un texte "criminel" et "fou", qu'il faut "tuer".
- Flatterie -
Certains députés républicains se mettent très vite dans sa roue, n'hésitant pas à le flatter ouvertement: "Cela fait cinq ans que j'attends un changement profond de dynamique. Nous y voilà", écrit par exemple l'élu de Caroline du Nord Dan Bishop sur X, en commentaire d'un post de l'homme le plus riche du monde.
D'autres parlementaires de la droite dure, plus tard, iront jusqu'à demander qu'il soit élu à la tête de la Chambre des représentants.
Il faut attendre mercredi après-midi pour que Donald Trump s'exprime, via un communiqué.
Le républicain de 78 ans dénonce un projet de loi "ridicule et extraordinairement onéreux" et exige que le Congrès reparte de zéro. Voilà la première puissance mondiale menacée d'un "shutdown" à Noël.
"La voix du peuple a été entendue. C'était un bon jour pour l'Amérique", s'est réjoui Elon Musk, que ses détracteurs présentent comme une personnalité instable et mégalomane. Il a ensuite partagé le message d'un compte X essentiellement consacré à chanter ses louanges, le montrant photographié sur fond de drapeau américain, et avec ce commentaire: "Vox populi. Vox dei" -- La voix du peuple, la voix de Dieu.
Le camp démocrate s'est empressé de dépeindre un Donald Trump sous influence.
- "Dingue" -
Le sénateur Bernie Sanders, figure de la gauche américaine, parle sur X du "président Musk". "Les républicains suivent ses ordres. C'est dingue", commente l'élu démocrate Don Beyer. "Au moins on sait qui est aux manettes", ironise un autre parlementaire démocrate, Jim McGovern.
Le stratège David Axelrod, pointe lui des contradictions dans les revendications d'Elon Musk et de Donald Trump. "Il faut qu'ils se voient et décident qui est président", persifle-t-il sur CNN.
L'ascension politique fulgurante du multimilliardaire, originaire d'Afrique du Sud et naturalisé américain, défie toutes les comparaisons historiques.
Jamais encore l'on n'avait vu aux Etats-Unis un entrepreneur prendre aussi vite et aussi ouvertement une telle envergure, sans jamais avoir occupé un mandat électoral.
Elon Musk a été omniprésent pendant la campagne, il est incontournable pendant la période de transition. Il semble avoir posé ses valises à Mar-a-Lago, la résidence de Floride où Donald Trump prépare son arrivée au pouvoir le 20 janvier.
- Musk et Bezos -
Selon la presse, Elon Musk a par exemple participé mercredi soir à un dîner du président élu avec le patron d'Amazon, Jeff Bezos, qui est l'un de ses rivaux dans le domaine spatial.
Elon Musk n'a pas été fait ministre, au sens juridique du terme, mais sa mission de réforme de l'Etat fédéral fait dire à ses adversaires qu'il pourrait mettre ce poste au service de ses intérêts industriels. Le multimilliardaire s'appuie en effet sur des contrats publics, pour son entreprise spatiale SpaceX notamment.
"Elon Musk a dépensé beaucoup moins d'argent pour acheter le gouvernement des Etats-Unis que pour acheter Twitter", assène sur le réseau social BlueSky l'activiste George Conway, l'un des rares représentants du camp conservateur ouvertement hostiles à Donald Trump.
Le controversé milliardaire est devenu le plus grand donateur politique de l'histoire américaine récente avec plus de 270 millions de dollars versés au bénéfice des républicains avant les élections de novembre.
Il avait acquis Twitter en 2022 pour 44 milliards de dollars.
S. Sokolow--BTZ