Entre Pau et Mayotte, Bayrou consulte et compose son gouvernement
François Bayrou a commencé lundi à consulter les forces politiques en même temps qu'il compose son gouvernement, en quête d'un chemin qui lui permettrait de faire passer, sans majorité, un budget, après le gel du précédent par la censure.
Après sa première série d'entretiens, le Premier ministre doit s'envoler lundi soir pour Pau, la ville des Pyrénées-Atlantiques dont il est le maire depuis 10 ans, pour présider le conseil municipal, avec l'idée de conserver son mandat local.
Il assistera juste avant, mais à distance, à une réunion du centre interministériel de crise (CIC) sur Mayotte, non sans provoquer la colère de la gauche qui lui reproche de ne pas donner la priorité à ce département, le plus pauvre de France, dévasté par un cyclone qui aurait fait des centaines voire des milliers de morts.
Le nouveau chef du gouvernement reçoit lundi et mardi les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale "par leur ordre d'importance" numérique dans cette chambre. A eux, ensuite, de décider de la composition de leur délégation.
Première reçue, la présidente du groupe des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, accompagnée du chef du parti Jordan Bardella, a salué une "méthode plus positive" que son prédécesseur Michel Barnier, accusé de l'avoir reçue trop tardivement.
Elle a souhaité que le chantier du mode de scrutin à la proportionnelle, revendiqué aussi par François Bayrou, soit engagé "juste après le budget" et associé la proposition de la gauche de ne pas censurer le gouvernement en échange d'un abandon du 49.3, à des "tractations indignes".
- Socialistes sur leur "faim" -
Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, accompagné par les chefs de groupe, Boris Vallaud pour l'Assemblée et Patrick Kanner pour le Sénat, est ressorti "sur (sa) faim" du rendez-vous, lors duquel ils ont "beaucoup parlé" de ce pacte de non-censure, sans que l'échange soit "conclusif".
"Si c'était pour avoir la même politique, nous le censurerions de la même façon", a-t-il prévenu.
La France insoumise, qui a déjà promis la censure, avait elle refusé de rencontrer pour le moment François Bayrou.
Gabriel Attal, chef de file des députés macronistes et président du parti Renaissance, est ressorti sans un mot, pour demeurer selon son entourage "une force facilitatrice".
Laurent Wauquiez, chef de file des députés Droite républicaine, n'a rien dit non plus à sa sortie. Mais son homologue au Sénat Mathieu Darnaud qui l'accompagnait a affirmé ensuite à l'AFP vouloir que M. Bayrou "éclaircisse rapidement sa feuille de route" avec "les sujets régaliens", "l'immigration" ou encore "l'urgence agricole". Il a demandé en outre que la droite "soit représentée de façon significative" au gouvernement, dans le cas où LR venait à confirmer sa participation.
Les consultations se poursuivront mardi, à commencer par les écologistes, représentés par les chefs de groupe Cyrielle Chatelain pour l'Assemblée, Guillaume Gontard pour le Sénat, et la cheffe du parti Marine Tondelier qui ne souhaite pas "censurer a priori" le gouvernement.
- "Pas d'avenir" -
Le temps presse pour la formation d'un gouvernement car c'est lui qui portera le nouveau projet de loi de finances pour 2025, interrompu par la censure, alors que le déficit s'aggrave et que les agences de notation froncent les sourcils.
En attendant, le Premier ministre répondra mardi en solo aux questions des députés à l'Assemblée nationale, car les ministres démissionnaires n'y sont pas autorisés.
Se définissant comme "un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité" avec le président Emmanuel Macron, il souhaite former une équipe gouvernementale resserrée et dominée par des "personnalités" d'expérience.
Il a choisi comme directeur de cabinet un proche, Nicolas Pernot qui a dirigé les services de la ville de Pau.
François Bayrou n'a toutefois pas l'intention de batailler sur les postes régaliens, qui relèvent du domaine dit "réservé" au président, selon une source gouvernementale.
Le MoDem détient actuellement le ministère des Affaires étrangères, avec Jean-Noël Barrot.
M. Bayrou a reçu vendredi le ministre de l'Intérieur sortant Bruno Retailleau (LR), à qui il a laissé le pilotage de la crise à Mayotte, comme un gage de la poursuite de sa mission au gouvernement. Mais le maintien de ce ministre clivant divise.
L'ex-commissaire européen Thierry Breton et le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, dont les noms circulent pour entrer dans l'exécutif, se sont tous deux inquiétés lundi "d'une France à l'arrêt" et réclamé un gouvernement pour s'attaquer au désendettement sans lequel "il n'y a pas d'avenir".
are-lum-far-ama/jmt/swi
S. Soerensen--BTZ