A l'usine Volkswagen d'Osnabrück, les salariés ne voient "pas de plan pour l'avenir"
Il y a 15 ans, Carlos Oliva aidait à construire les premières voitures de l'usine Volkswagen d'Osnabrück, dans l'ouest de l'Allemagne. Aujourd'hui, il "préfère ne pas penser" à la possible fermeture du site, l'un des plus menacés par le programme d'économies en préparation.
Deux mois et demi après l'annonce choc du plus gros industriel du pays, "on est en train de passer de la sidération à la colère", explique M. Oliva, électricien automobile de 51 ans
Une troisième séance de négociations se déroule jeudi entre les représentants du personnel de Volkswagen et la direction du groupe, qui n'a pas encore finalisé ses projets de restructuration.
Selon le comité d'entreprise, le constructeur envisage de fermer trois usines dans le pays avec des milliers de licenciements à la clef, du jamais vu dans l'histoire du groupe.
La direction de Volkswagen a uniquement confirmé un plan de réduction de 10% des salaires et une révision du système de primes qui lui permettraient de réaliser une partie des milliards d'économies visés pour redresser sa compétitivité.
- Déjà vécu -
Dans le flou quant aux intentions du groupe, Osnabrück et ses 300.000 habitants retiennent leur souffle.
La fermeture de la plus petite des dix usines allemandes de Volkswagen serait "une grande perte" pour la ville, dit à l'AFP Marius Keite, élu conservateur et membre de la majorité municipale.
Mais avec une modeste production de 28.000 véhicules par an, les chaînes tournent en sous-régime depuis plusieurs années.
La capacité de production est utilisée à seulement 18%, loin de la moyenne des autres usines à 68%, selon le magazine spécialisé Automobilwoche.
"Pourquoi la direction ne trouve pas de solutions en amont avant de parler de fermetures d'usine ", s'interroge Carlos Oliva.
L'ouvrier a l'impression de revivre le scénario de la faillite du groupe Karmann, équipementier automobile d'Osnabrück liquidé en 2009. Il avait alors frôlé le chômage avant que Volkswagen ne reprenne l'usine locale pour fabriquer des modèles de marques Porsche et VW.
La rue qui entre dans le complexe Volkswagen, surplombé par une tour ornée du logo VW bleu et blanc, porte encore le nom de l'entreprise disparue.
Aujourd'hui, le constructeur n'a "pas vraiment de plan pour l'avenir", regrette Michael Tepe, représentant adjoint du comité d'entreprise local de Volkswagen.
- Plan B -
Le fleuron de l'industrie automobile allemande souffre à la fois du ralentissement du marché des véhicules neufs, de la concurrence chinoise, notamment dans l'électrique, et de modèles à batterie pas assez attractifs, selon les experts.
Avec des coûts de main d’œuvre qui sont beaucoup élevés que chez ses rivaux, notamment dans les usines allemandes, fait valoir le groupe.
Coup dur supplémentaire pour Osnabrück: Volkswagen a récemment renoncé à y fabriquer les futurs modèles Porsche électriques prévus à partir de 2026, si bien que les 2.300 salariés n'ont aucune certitude sur la poursuite de l'activité automobile.
Mais pour Michael Tepe, âgé de 57 ans, "Volkswagen ne va pas si mal et gagne encore beaucoup d'argent".
Ces profits ont d'avantage servi "à verser des dividendes aux actionnaires qu'à assurer une croissance de long terme de l'entreprise", abonde Robert Alferink, chef de la section locale du parti social-démocrate venu soutenir les salariés qui ont manifesté début novembre.
Fermer l'usine d'Osnabrück permettrait d'économiser 130 millions d'euros, loin de suffire aux milliards dont Volkswagen a besoin, selon un document interne révélé par le quotidien Handelsblatt.
"Nous étions chanceux d'avoir une bonne situation économique en Allemagne, maintenant ce n'est plus le cas et tout s'effondre", déplore Patricia Gomes, 30 ans, arrivée il y a un an et demi à Osnabrück.
Cette employée en ressources humaines originaire du Portugal est déjà en quête d'un "plan B" sur un autre site Volkswagen, dans le management ou l'analyse de données.
"Je suis encore jeune, dit-elle, j'ai d'autres options, mais mes collègues proches de la retraite ont vraiment peur".
A. Madsen--BTZ