A l'aéroport de Kiev, les étrangers entre la peur et le scepticisme
"Le choix le plus judicieux, c'est de quitter l'Ukraine maintenant": à l'aéroport Boryspil de Kiev, l'entrepreneur marocain Aimrane Bouziane consulte le tableau des vols de départ avec soulagement: le sien est maintenu.
La situation à l'aéroport est calme, les voyageurs prennent des cafés et mangent des desserts en attendant leur vol, mais le contexte est loin d'être détendu.
- "J'ai peur pour ma vie" -
Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a jugé dimanche qu'il y avait un "parfum de Munich dans l'air" dans cette crise, en référence à l'accord de 1938 avec l'Allemagne nazie qui n'a pu empêcher la Seconde Guerre mondiale.
"Oui, je pars à cause de la situation, parce que j'ai peur pour (m)a vie", témoigne Aimrane Bouziane, 23 ans. "Ce qui peut arriver? Une invasion. (Le président russe Vladimir) Poutine pourrait envahir. Il l'a déjà fait, donc il peut le refaire".
Denis Lucins, entraîneur de foot américain, revient des Etats-Unis pour retrouver sa femme et son fils de 7 ans qui vivent à Mykolaïv, dans le sud de l'Ukraine, faisant fi des recommandations de Washington qui demande à ses ressortissants de quitter le pays.
"Il y a un certain niveau d'inquiétude. Mais vous savez, j'ai vécu ici en 2014, j'ai vu l'annexion de la Crimée, le conflit dans le Donbass. Attendons de voir ce qui va se passer. Là où je vis, à Mykolaïv, nous espérons qu'il ne se passera rien de mal", dit-il.
- "Troupes russes à Kiev? C'est trop" -
Alors que le président américain Joe Biden est jugé trop alarmiste, y compris par les autorités ukrainiennes, Denis Lucins estime que sa stratégie est bonne. "Il avait raison en disant il y a quelques mois +Attendez, mais il y a 100.000 soldats russes à la frontière+. Je pense que c'est bien que les États-Unis aient dit +Vous ne pouvez pas envahir+. Puis la Grande-Bretagne et les autres ont suivi".
"Personnellement, je ne pense pas qu'il se passera quelque chose, mais personne ne peut malheureusement lire dans les pensées de Vladimir Poutine".
Pour le voyageur arménien Armen Vartanian, 36 ans, Kiev n'a rien à craindre.
"Je pense que Poutine pourrait prendre un peu plus de l'Est", où l'armée ukrainienne affronte depuis 2014 des séparatistes prorusses soutenus par Moscou, qui contrôlent une partie des régions de Donetsk et de Lougansk, dans le bassin houiller du Donbass.
"Le Donbass, oui, c'est déjà séparé, ils utilisent le rouble, les troupes russes sont déjà là. (Poutine) pourrait le prendre", estime M. Vartanian. Mais "les troupes russes à Kiev ? Non, je ne pense pas que cela arrivera. Ce serait la Troisième Guerre mondiale, c'est trop".
Le responsable de la communication de l'aéroport Boryspil, Olexandre Demtchyk, se veut rassurant. "La situation est ce qu'elle est. C'est vraiment tendu, mais nous ne ressentons aucune panique. Je pense que tout ira bien".
C. Fournier--BTZ