Un village des Deux-Sèvres refuse des éoliennes "plus hautes que la tour Montparnasse"
La petite commune de Boussais se passerait bien du record de France de la plus haute éolienne : la préfecture a avalisé trois ouvrages de 238,5 m mais dans ce petit coin du nord des Deux-Sèvres déjà hérissé de mâts, c'est le projet de trop.
"Là, on ne parle pas d'éoliennes ordinaires, elles feront 30 mètres de plus que la tour Montparnasse!", s'insurge Eric Billeau, un adjoint au maire de cette commune -470 âmes et un commerce- formée de deux bourgs distants de 2 km.
"Elles sont prévues entre les bourgs, ça va nous couper en deux. Tout le monde est contre, ici", glisse-t-il. La commune entend saisir la justice administrative.
Selon l'arrêté préfectoral, pris en décembre, les trois aérogénérateurs de Boussais feront 238,5 m en haut de pale et le diamètre de leur rotor sera de 150 m.
"Si elles étaient installées demain, ce seraient les plus grandes et puissantes de France", assure-t-on chez France énergie éolienne (FEE), association regroupant les professionnels de la filière.
De leur maison avec jardin et terrasse, Véronique et Jean-Denis Lamoureux embrassent un paysage de bocage, des petits champs légèrement vallonnés et dessinés par des haies, depuis douze ans.
"Notre belle vue va se transformer en rideau d'éoliennes", se désole Véronique en montrant l'emplacement virtuel de chacune, à quelques centaines de mètres. "On nous saccage notre petit coin de bonheur. Maintenant, on pense à déménager..."
"Il n'y a pas de recul sur ce type d'engin aussi grand. Le bruit, les lumières la nuit, ça nous fait peur... Le préfet devrait les tester dans son jardin!", ajoute-t-elle.
Marie-Noëlle Goyeau aussi est "en colère". "On est déjà envahi d'éoliennes ici", dit cette retraitée. "Il n'y a que nous qui avons du vent ?".
Selon l'enquête publique, à l'avis défavorable, 98 éoliennes sont en fonctionnement ou autorisées dans un rayon de 20 km autour de Boussais.
Les futures éoliennes seront, à une date encore imprécise, à 535 m de la plus proche habitation. "Mais c'est cette même norme légale de 500 m qui s'applique à des éoliennes de 100 m en haut de pale...", déplore Alain Naudin, de l'association locale Faye Paysages. Selon lui, les éoliennes géantes "vont se banaliser".
- Un "bridage pour les chauve-souris" -
Maître d'ouvrage, la société Valeco explique à l'AFP que "trois éoliennes de ce gabarit permettent de produire autant d'électricité que 6 éoliennes de taille plus réduite" et que leur production annuelle estimée de 49,1 gigawatt-heure (GWh) correspondra à de l'électricité pour "environ 10.500 foyers".
Pour Valeco, qui dit porter d'autres projets de cette taille, la France est "en retard" sur ces équipements : "A l'étranger, des éoliennes de plus de 240 m sont installées depuis 2016".
Valeco met en avant des mesures comme un "bridage acoustique" dont l'efficacité sera vérifiée par des campagnes d’écoute, des "plantations d'arbres et/ou de haies brise-vue" pour les riverains et un "bridage pour les chauves-souris" à certaines époques de l'année.
La société basée à Montpellier assure aussi que les grandes éoliennes de Boussais réduiront les risques pour les oiseaux migrateurs car "la majorité de la faune volante sur (ce) site a des hauteurs de vol inférieures au bas de pale de 90 m proposé".
L'arrêté, qui met en avant les objectifs législatifs de réduction de 40% des gaz à effet de serre d'ici 2030 et de neutralité carbone à l'horizon 2050, assure que l'impact visuel des éoliennes sur les monuments historiques alentour - un dolmen, des châteaux, une église - "n'apparaît pas excessif".
Il prévoit qu'un comité de suivi vérifiera le bon fonctionnement du parc "du point de vue de son insertion dans l'environnement".
Le projet initial comportait quatre mâts, explique le secrétaire général de la préfecture, Xavier Marotel. "Nous avons demandé d'en retirer un pour éviter un effet de saturation visuelle", dit-il.
Mais des habitants assurent que c'est plutôt à cause d'un étang voisin où niche de la faune. "Les oiseaux sont plus importants que les humains", soupire une habitante.
C. Fournier--BTZ