Mode contre tradition: à Oman, on ne plaisante pas avec la dishdasha
Avec leur dishdasha nationale, les Omanais font look à part dans le Golfe.
Et le sultanat conservateur a décidé de sévir contre ceux qui voudraient changer le design de cette robe traditionnelle portée par les hommes.
Dans la région, les Saoudiens, les Emiratis ou encore les Koweïtiens arborent généralement des robes blanches très sobres et sont coiffés d'un keffieh.
Mais ces dernières années ont vu l'apparition de nouvelles tendances, en particulier chez les jeunes, ainsi que le développement de la production de cette robe à l'étranger. Le gouvernement a alors décidé de réagir.
Il est désormais "interdit d'importer ou de concevoir des vêtements" qui ne respectent pas les critères de fabrication du pays et qui portent ainsi atteinte à "l'identité omanaise", d'après un décret du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Promotion des investissements, publié en janvier, en référence à la dishdasha.
Le non-respect du décret est puni d'une amende de 1.000 riyals (environ 2.300 euros), le double en cas de récidive.
Une peine similaire est appliquée pour le port ou la fabrication de chapeaux non conformes aux traditions, selon des médias locaux.
- Goûts et couleurs -
Selon le texte, les fabricants de dishdashas doivent utiliser principalement du coton, n'ajouter des broderies qu'autour du cou et sur les manches, ou encore réserver cet habit aux seuls hommes.
"Le tissu utilisé doit être d'une couleur unique", explique encore à l'AFP un responsable au sein du ministère, ajoutant que le blanc ou les couleurs sobres doivent être privilégiés.
Dans la capitale Mascate, de jeunes Omanais s'agacent d'une telle atteinte à leurs "libertés personnelles".
Mais dans un pays où les critiques publiques contre les autorités sont très rares, la plupart disent comprendre le gouvernement.
Pour Ouahib Al-Jadidi, 36 ans, cette décision "peut être bonne pour fixer certaines règles, mais elle entre en conflit avec la liberté personnelle".
"Certains hommes veulent porter des dishdashas qui correspondent à leurs goûts", confie à l'AFP ce jeune entrepreneur, qui regrette que la nouvelle loi les en "empêche".
Propriétaire d'un atelier et d'un magasin de dishdashas et d'accessoires pour hommes, Nabegh Al-Qarni estime lui que la robe nationale a subi trop "d'altérations".
"Parmi les plus importantes, il y a le raccourcissement de la dishdasha ou encore des inscriptions, des motifs et des broderies de trop grande taille", énumère cet Omanais de 35 ans. "On a aussi vu des couleurs inhabituelles", dit-il à l'AFP.
Selon Nabegh Al-Qarni, beaucoup d'Omanais rejettent certaines de ces nouveautés, "en particulier les personnes les plus âgées".
- Made in Oman -
Mais la dishdasha n'est pas seulement un "symbole du peuple omanais" et de son "patrimoine", elle revêt aussi une "grande importance économique", souligne auprès de l'AFP l'analyste Khalfan Al-Touqi.
Si elle n'est pas obligatoire, elle est cependant portée par la quasi-totalité des 1,4 million d'hommes omanais du pays.
Or, selon M. Touqi, de nombreux commerçants ont acheté des dishdashas à l'étranger, en particulier en Chine et en Inde, "ce qui a nui à l'identité et à l'économie d'Oman".
Les autorités ont d'ailleurs, estime-t-il, instauré les nouvelles mesures pour inciter les magasins à se fournir auprès d'usines locales tenues de respecter le décret.
Il s'agit, continue l'analyste, d'empêcher une situation dans laquelle "un produit omanais bénéficie aux pays étrangers au lieu de profiter au pays d'origine".
Les nouvelles régulations concernant la dishdasha surviennent dans un contexte difficile pour l'économie du sultanat. Celle-ci a été lourdement affectée par la chute des prix du pétrole ces dernières années, puis par l'impact du Covid-19 qui a notamment touché le secteur touristique dans ce pays prisé pour ses vallées pittoresques, ses eaux bleues et une faune marine exceptionnelle.
Sur fond de hausse du chômage, le gouvernement a pris diverses mesures destinées à attirer les investissements mais aussi à privilégier l'économie locale, en réservant de nombreux emplois et secteurs d'activité aux seuls ressortissants omanais, les étrangers représentant près de 40% des 4,5 millions d'habitants.
O. Petrow--BTZ