Orpea: le gouvernement français lance deux enquêtes, prépare des propositions
Le gouvernement français a annoncé mardi qu'il présenterait d'ici la fin du mois des propositions pour prévenir les maltraitances en Ehpad, et qu'il lançait une "vaste opération de contrôle" au sein du groupe Orpea, accusé de graves dysfonctionnements.
Ces propositions porteront sur des "leviers permettant de prévenir à l'avenir des situations comparables" à celles dénoncées dans le livre-enquête "Les fossoyeurs", a annoncé la ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon.
Le journaliste Victor Castanet y décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" par souci de rentabilité.
Les pistes explorées concerneront un possible renforcement des contrôles ou une meilleure prise en compte de la parole des résidents et de leurs familles, a énuméré la ministre, qui pour ce faire compte consulter "les représentants des familles, les élus départementaux, les acteurs du secteur et les partenaires sociaux".
Le gouvernement pourrait aussi "revoir les procédures d'accréditation" des maisons de retraite, "sans doute" en évoluant vers le même système que celui applicable aux cliniques privées, celui d'une certification accordée par la Haute autorité de santé, a précisé le Premier ministre Jean Castex devant les députés.
Les autorités ont par ailleurs annoncé l'ouverture d'une "double enquête" administrative sur Orpea, confiée aux inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF). Et les établissements du groupe feront l'objet de "contrôles inopinés" diligentés par les services de l'Etat, a précisé Mme Bourguignon.
"Le grand âge, c'est pas une pompe à fric", et l'aide aux personnes âgées relève "quasiment d'une mission de service public", a-t-elle observé sur BFMTV.
- Contrôle "préoccupant" en Belgique -
Le scandale a également des répercussions à l'étranger: en Belgique francophone, le gouvernement régional de Wallonie a ordonné la semaine dernière des visites de contrôle inopinées dans les 18 établissements gérés par Orpea dans la région. Douze Ehpad ont déjà été inspectés, et l'un d'eux a fait l'objet d'"un avis très préoccupant", a dit mardi la ministre de la Santé wallonne, Christie Morreale, devant le Parlement régional.
Côté français, la ministre Brigitte Bourguignon avait reçu à sa demande les deux principaux dirigeants d'Orpea pour leur faire part de son "indignation". "Nous avons eu peu d'explications", a-t-elle ensuite regretté devant l'Assemblée nationale.
Loin de la "colère" revendiquée par la ministre, le nouveau PDG d'Orpea, Philippe Charrier, a affirmé aux journalistes que lui et le directeur général d'Orpea pour la France, Jean-Christophe Romersi, avaient été "écoutés avec empathie" par Mme Bourguignon. "Nous sommes très heureux d'avoir ces inspections et ces contrôles", a réagi le dirigeant, rappelant son engagement à faire "toute la lumière" sur les accusations visant son entreprise.
"Nous ne demandons qu'une seule chose", a-t-il dit plus tard sur BFMTV: "ne pas être condamnés avant d'être jugés".
L'entreprise a publié mardi un communiqué d'une pleine page dans Le Parisien pour affirmer que des "manquements" pouvaient exister, mais que les familles pouvaient être rassurées, car "partout, toujours, dès que nous avons connaissance d'un dysfonctionnement, nous prenons toutes les dispositions pour y remédier".
Et M. Charrier a dit détenir "la preuve formelle, documentaire" que plusieurs accusations contenues dans le livre "sont infondées".
- "Coup de Bourse" -
L'entreprise a mandaté deux cabinets extérieurs, Grant Thornton et Alvarez & Marsal, pour "évaluer en toute indépendance les allégations publiées" dans le livre. Leurs conclusions "seront tenues à disposition des autorités compétentes", a précisé Orpea.
M. Charrier doit être auditionné mercredi devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale. Le chef de file des députés LREM Christophe Castaner n'a pas exclu la formation d'une "commission d'enquête si nécessaire", selon des sources parlementaires.
Le groupe privé avait tenté d'allumer un premier contre-feu en limogeant dimanche son directeur général depuis plus de dix ans, Yves Le Masne. "C'est un gros fusible, mais (...) ça ne cache pas tout le reste du compteur", a commenté Mme Bourguignon.
Selon Le Canard Enchaîné, M. Le Masne, en juillet dernier, soit "trois semaines seulement après que la direction d'Orpea a été informée de la parution prochaine du livre", a revendu 5.456 actions de son entreprise, encaissant ainsi plus de 588.000 euros, ce qui "pourrait s'apparenter à un délit d'initié".
"C'est une décision qu'a prise Yves Le Masne, mais qui ne touche pas le groupe", a réagi M. Charrier dans la soirée.
L'action, qui cotait à l'époque 107,80 euros, s'est effondrée depuis l'éclatement du scandale: le titre valait 40,10 euros mardi à la clôture, après un plus bas à 37,77 euros.
Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, le "système Orpea" repose sur la recherche du "profit maximum", "incompatible avec le fait de bien s'occuper des résidents mais aussi de bien traiter ses salariés". Le leader syndical, qui a rendez-vous avec le Premier ministre vendredi après-midi, fera de la situation des Ehpad "le sujet principal" des discussions, a-t-il précisé lors d'une conférence de presse.
O. Petrow--BTZ