Le Nobel de la paix remis à des rescapés d'Hiroshima contre l'arme nucléaire
Le Nobel de la paix est remis mardi au groupe japonais de survivants de la bombe atomique, Nihon Hidankyo, qui milite contre l'arme nucléaire, menace redevenue d'actualité près de 80 ans après les bombardements de Hiroshima et Nagasaki.
La récompense sera reçue peu après 13H00 (12H00 GMT) à l'hôtel de ville d'Oslo par les trois coprésidents de l'association qui œuvre pour une planète débarrassée de ces armes, à l'heure où des Etats tels que la Russie menacent de briser le tabou de leur emploi.
"Les armes nucléaires et l'humanité ne peuvent pas coexister", a déclaré lundi un membre du trio, Terumi Tanaka, lors d'une conférence de presse dans la capitale norvégienne.
"L'humanité pourrait disparaître avant même que le changement climatique ne déploie ses effets dévastateurs", a prévenu le vieil homme de 92 ans.
S'appuyant sur les témoignages de survivants - les "hibakusha" - des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, Nihon Hidankyo œuvre inlassablement pour une planète débarrassée de ces armes de destruction massive.
Les bombardements américains sur ces deux villes japonaises, les 6 et 9 août 1945, firent quelque 214.000 morts et précipitèrent la capitulation du Japon ainsi que la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Terumi Tanaka avait 13 ans quand Nagasaki, où il vivait, a été pulvérisée par la bombe qui a tué cinq membres de sa famille.
Lundi, il s'est alarmé de la résurgence de la menace nucléaire et a exhorté le président russe Vladimir Poutine à cesser de l'agiter dans le cadre du conflit en Ukraine.
"Je pense qu'il n'y a même pas réfléchi", a-t-il dit.
- Tir démonstratif -
Vladimir Poutine a récemment modifié par décret les possibilités de recourir aux armes nucléaires, son armée disposant dans ce domaine du plus gros arsenal au monde.
Le 21 novembre, Moscou a démonstrativement fait usage, pour frapper une ville ukrainienne, d'un missile balistique de portée intermédiaire, un engin conçu pour porter l'arme nucléaire, dont il avait été démuni pour ce tir.
La Russie est prête à utiliser "tous les moyens" possibles pour se défendre, a répété quelques jours plus tard le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
"Il est crucial pour l'humanité de préserver le tabou nucléaire, de stigmatiser ces armes comme étant moralement inacceptables", a commenté lundi le président du comité Nobel, Jørgen Watne Frydnes.
"Menacer de les utiliser est une manière de réduire le sens de ce tabou, et cela ne devrait pas être fait. Et bien sûr, leur utilisation ne devrait jamais, sous aucun prétexte, être répétée par aucune nation sur Terre", a-t-il ajouté.
Pour les Occidentaux, la menace vient aussi de la Corée du Nord qui multiplie les tirs de missiles balistiques et de l'Iran, soupçonné de vouloir se doter de l'arme atomique, ce que Téhéran dément.
Neuf pays détiennent aujourd'hui l'arme atomique: Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et, non officiellement, Israël.
En 2017, 122 gouvernements avaient négocié et adopté le traité historique sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) à l'ONU, mais la portée de ce texte est essentiellement symbolique puisqu'aucune puissance nucléaire ne l'a signé.
Les Nobel dans les autres disciplines (littérature, chimie, médecine, physique, économie) seront également remis dans la journée à Stockholm en présence du roi de Suède, Carl XVI Gustaf.
F. Dumont--BTZ