La mort de Matthew Perry, reflet des dérives de médecins de stars à Hollywood
La mort de la star de "Friends" Matthew Perry et les arrestations qu'elle a provoquées cette semaine remettent en lumière les rapports toxiques qu'entretiennent certaines célébrités d'Hollywood avec les médecins chargés de gérer leurs addictions.
L'acteur, qui incarnait Chandler dans la série culte, avait révélé son long combat contre la toxicomanie. Il est mort d'une surdose de kétamine, dans son jacuzzi en octobre 2023.
Cet anesthésiant, parfois détourné à des fins stimulantes ou euphorisantes, était pris par l'acteur de manière supervisée dans le cadre de sessions de thérapie pour dépression.
Mais lorsqu'une augmentation de dosage lui a été refusée, le comédien est retombé dans l'addiction à l'automne 2023, selon le parquet fédéral, et s'est tourné vers des dealeurs et des médecins peu regardants.
Son décès implique deux docteurs "sans scrupules", a souligné Anne Milgram de la DEA, l'agence fédérale antidrogue. Elle a dénoncé "l'exploitation" de l'acteur par Salvador Plasencia et Mark Chavez, qui ont "violé le serment" d'Hippocrate.
Choquante, l'affaire a pourtant un air de déjà-vu: le médecin de Michael Jackson reconnu coupable en 2011 d'homicide involontaire pour avoir administré à l'ex-roi de la pop une dose mortelle d'un puissant anesthésique chirurgical.
- "Piège" -
Elvis Presley, Marilyn Monroe, ou encore Prince sont également décédés après avoir consommé des substances légales, obtenues auprès de professionnels de santé.
"Les règles s'envolent avec les célébrités, et cela conduit constamment à des tragédies", explique à l'AFP Harry Nelson, un avocat de Los Angeles spécialisé dans la santé. "C'est dingue!"
L'appât du gain joue pour beaucoup.
Dans le cas de Matthew Perry, le docteur Plasencia s'approvisionnait en kétamine auprès de son collègue Chavez, selon l'accusation. Les flacons, d'une valeur de 12 dollars, étaient revendus jusqu'à 2.000 dollars à la star.
"Je me demande combien ce crétin va payer", écrit en septembre 2023 le docteur Plasencia, dans un SMS exhumé par l'enquête.
Mais la situation est parfois plus délicate, selon Me Nelson.
Les stars ont vraiment besoin de protéger leur vie privée, rappelle l'avocat. Se rendre chez un médecin pour obtenir une ordonnance, puis dans une pharmacie pour récupérer des médicaments est impensable lorsqu'on est traqué par des paparazzis au quotidien.
Certains médecins peuvent alors se laisser emballer par "le glamour et l'excitation" d'une relation avec un patient célèbre, susceptible de se montrer très exigeant. Ils cèdent parfois à leurs demandes pour "rester dans leurs bonnes grâces", même "si cela va à l'encontre" de leur jugement médical.
"Mais c'est un piège", estime Me Nelson, qui est intervenu dans une douzaine d'affaires tragiques impliquant des stars. "C'est un piège à la fois pour le patient célèbre et pour le médecin."
- "Drogue festive" -
Avec ses effets dissociatifs et hallucinatoires, la kétamine était en vogue dans le gratin californien comme "drogue festive" il y a plus de vingt ans.
Au milieu des années 2000, "une poignée de médecins de Los Angeles facilitaient ces fêtes, où tout le monde recevait des perfusions de kétamine dans la maison d'une célébrité, à Malibu, sur la plage", raconte Me Nelson.
L'ordre des médecins a sévi contre ces médecins, retirant leur licence à plusieurs d'entre eux.
Aujourd'hui, la kétamine est de plus en plus utilisée de manière légale pour traiter la dépression et le stress post-traumatique. La Californie abrite des cliniques privées aux tarifs extravagants et à la clientèle renommée, rappelle l'avocat.
Le docteur Chavez, fournisseur de kétamine impliqué dans l'affaire Matthew Perry, a dirigé une clinique de ce genre par le passé.
Légale, cette substance ne peut en principe être administrée que sous la supervision d'un médecin, à cause des risques d'effets secondaires: perte de conscience, problèmes respiratoires...
Cela n'a pas empêché le docteur Plasencia de confier des fioles de kétamine directement à l'assistant personnel de Matthew Perry, selon l'enquête. Il l'aurait même retrouvé dans la rue en pleine nuit, pour échanger des flacons contre 6.000 dollars en liquide.
"Que quelqu'un soit autorisé à prendre cela chez lui et à se baigner dans un jacuzzi, c'est criminel et irresponsable", tance Me Nelson. "Les médecins qui ont fait cela ont sans aucun doute estimé qu'ils pouvaient prendre quelques libertés, parce qu'ils avaient affaire à une personne célèbre."
M. Tschebyachkinchoy--BTZ