NasDas, le Robin des Bois digital d'un quartier pauvre de Perpignan
NasDas, l'influenceur aux quelque quatre millions d'abonnés sur Snapchat, ravit les réseaux en filmant la vie dans son quartier pauvre de Perpignan, où il fait figure de grand frère, distribuant à l'entour argent et cadeaux que lui rapporte sa notoriété.
"Je pense que les gens en avaient marre de voir les influenceurs montrer leur richesse sur les réseaux (...) voitures de luxe, habits de luxe. Moi, y a rien de tout ça!", souligne NasDas, de son vrai nom Nasser Sari.
Chaque jour, ce gaillard de 26 ans, en short et baskets, retrouve sa "team" de copains, sur la place Cassanyes, coeur de Saint-Jacques, quartier gitan à l'importante communauté maghrébine.
Ses stories montrent un "quotidien différent, dans un quartier différent, pauvre", "où des enfants fument au lieu d'aller à l'école", mais "très vivant". "Un gitan peut jouer de la guitare dans la rue à 04H00 du matin et les voisins descendent danser. Personne appelle la police." "C'est pour tout ça que les gens ont accroché!"
L'après-midi bien entamée, il émerge en sirotant un café, salue à la ronde, s'enquiert de la santé de l'un, du chômage d'un autre, promet un portable, invite à boire un coup.
- Snaper la "chienneté" -
Inséparable de sa bande, il parcourt dans un joyeux chahut les ruelles aux immeubles colorés, mais parfois si lézardés qu'ils sont soutenus par des madriers.
De loin, des gamins l'observent. "Allez, on court! Le premier a 20 euros", leur lance-t-il hilare, brandissant un billet. "Tu peux pas t'habiller?", apostrophe-t-il une femme en tenue négligée.
"On est une famille, on vit ensemble. En France, il n'y a pas beaucoup de quartiers comme ça", estime NasDas, expliquant sans autres détails que son avatar est le "raccourci" de ses prénoms Nasser et Das Algerische (l'Algérien en allemand).
Né le 3 juin 1996 à Saint-Jacques, il a perdu petit son père, originaire du Sahara. Sa mère, ouvrière dans une "usine de salades" en sachets, a élevé seule ses cinq enfants.
"J'ai travaillé aussi à l'usine et ailleurs avant tout ça", indique-t-il. L'aventure a commencé en 2018 par "une vidéo bête où je mettais une petite gifle à un copain pour rigoler. Ca a fait rire mes vingt potes. Du coup, j'ai continué (...) à snaper mon quotidien (...) la chienneté (chienne de vie) du quartier".
NasDas est rétribué pour promouvoir des marques, des entreprises. "En chiffre d'affaires sur 2021, on a dépassé les 500.000 euros." Il pourrait tout garder, filer la belle vie à Dubaï.
"Mais mon quartier c'est ma vie. Si je pars, c'est la fin!", dit à l'AFP le premier snapchateur de France, qui a récemment suscité une polémique en communiquant son numéro de carte bancaire, vite bloquée après de multiples commandes simultanées.
- Maire ou éboueur ? -
"Une fois payés les impôts, la TVA, j'ai décidé de redistribuer (...) en privé et par une cinquantaine d'associations (...) On en est à 300/400.000 euros", ajoute-t-il, fier qu'ainsi "plus de 4.000 personnes mangent chaque jour". L'une de ses quelques folies personnelles est un gros 4x4, mais en version limousine afin d'y caser sa "team".
Nora Ben Ali se glisse, menue, entre fans friands de selfies et de dédicaces, pour le remercier. "J'avais besoin d'un logement et Nasser m'a donné 1.000 euros (...) Il fait ça tout le temps, pas que pour des nécessités, pour des loisirs aussi", explique cette mère de quatre enfants.
Plus loin, il signe le T-shirt de Florian Dumontier, 17 ans, venu de Rouen "voir NasDas parce que c'est impressionnant ce qu'il fait".
Le succès de l'influenceur, approché pour une série Netflix et une comédie, a aussi séduit les rappeurs Soolking, l'Algérino et Mazz, 25 ans, fier de tourner un clip avec ce "bon gars" qui "aide les gens".
"Bureau des plaintes" de Saint-Jacques auprès de la mairie Rassemblement national (RN), NasDas joue de la dérision quand des habitants le poussent vers la politique.
"A la base, on est des guignols. Juste on se filme entre nous. On savait pas que ça pouvait intéresser des millions de gens!", dit-il rieur. Mais "tout ce que je dois faire pour aider le quartier, je le ferai. S'il faut être maire, je serai maire. S'il faut être éboueur, je serai éboueur!"
D. O'Sullivan--BTZ