Débâcle du Credit Suisse : le régulateur bancaire suisse sévèrement critiqué
Le gendarme suisse des marchés financiers n'a pas su empêcher les errements des dirigeants de Credit Suisse, dont la chute a failli déclencher en 2023 une crise financière mondiale évitée de justesse grâce à l'intervention des autorités helvétiques, selon une commission d'enquête vendredi.
Après quasiment dix huit mois d'enquête, cette commission a publié un rapport très attendu dans lequel elle considère que le conseil d'administration et la direction de Credit Suisse sont "responsables de la perte de confiance dans la banque".
Dans ce texte de plus de 500 pages, elle indique en revanche n'avoir identifié "aucun comportement fautif" des autorités suisses, estimant qu'elles ont même permis "d'éviter une crise financière internationale".
Cette commission, mise en place moins de trois mois après le sauvetage de l'ex-deuxième plus grande banque de Suisse, a cependant émis des critiques, en particulier à l'égard de la Finma, l'autorité de surveillance bancaire, dont elle déplore "l'inefficacité partielle", y compris avant le mouvement de panique sur les marchés en mars 2023.
Elle dit notamment ne pas comprendre que la Finma ait accordé en 2017 "de vastes allègements de fonds propres", sans lesquels la banque aurait "déjà eu de la peine à satisfaire aux exigences réglementaires" quatre ans plus tard, en 2021, et "en aurait été absolument incapable dès 2022".
La Finma avait bien lancé de nombreuses procédures et avertissements à l'encontre de Credit Suisse, et formulé des critiques concernant les rémunérations de ses cadres dirigeants. Mais elle s'est heurtée à "aux réticences de la banque, et c'est une façon polie de le dire", a estimé le député Roger Nordmann, un des membres de la commission, lors d'une conférence de presse au Parlement à Berne.
Les commissions d'enquête parlementaires sont extrêmement rares en Suisse. Il ne s'agit que de la cinquième dans l'histoire du Parlement.
En mars 2023, le ministère des finances, la banque centrale et la Finma s'étaient réunis pour trouver rapidement une solution après un mouvement de panique dans le sillage de la faillite de trois banques américaines. Les autorités suisses avaient opté pour un rachat par sa concurrente UBS.
- "Tirer les enseignements" -
Cette commission, qui a auditionné 79 personnes et analysé plus de 30.000 pages de documents, a également émis des critiques concernant les règles applicables aux banques considérées comme trop grosses pour faire faillite, estimant que le gouvernement et le Parlement avaient accordé une "trop grande importance" aux demandes des grandes banques.
Elle fustige une mise en œuvre "hésitante" des règles pour ces établissements dits d'importance systémique, qui doivent se conformer à des exigences plus strictes compte tenu de leur poids dans l'économie.
Selon cette commission, qui a formulé 20 recommandations, il faut "impérativement tirer les enseignements" de cette crise, d'autant que l'État avait déjà dû intervenir en 2008 pour voler au secours d'UBS et que la Suisse "ne compte désormais plus qu'une seule banque d'importance systémique mondiale".
La fusion de deux plus grandes banques du pays a fait émerger un colosse qui suscite d'importantes inquiétudes dans le pays alpin, où beaucoup s'interrogent quant aux options à l'avenir en cas de crise.
"Ce rapport confirme que l'effondrement de Credit Suisse a été entraîné par des années d'erreurs stratégiques", a réagi UBS dans un communiqué.
Mais si la banque réaffirme soutenir "la plupart des recommandations" déjà faites par le gouvernement, elle soutient toujours que les règles doivent être ajustées de manière "ciblée" pour garantir la compétitivité de la place financière suisse.
L'Association suisse des employés de banque a en revanche réclamé davantage de moyens pour encadrer le secteur, affirmant dans un communiqué que l'effondrement de Credit Suisse était dû à "quelques hauts dirigeants peu scrupuleux", avec "une fois de plus" le personnel "qui paie la facture".
L. Andersson--BTZ