Marseille: des dizaines d'incarcérations au sein d'une DZ Mafia qui s'étend et se diversifie
Trafic de drogue, racket, assassinat: la DZ Mafia marseillaise diversifie et étend désormais ses activités sur une large partie sud de la France, ont révélé samedi la police et le parquet marseillais, après de récentes enquêtes qui ont permis d'incarcérer des dizaines de membres de l'organisation.
Depuis le 1er octobre, 119 personnes, en lien avec le gang marseillais de narcotrafiquants, ont été interpellées, dont plus de 100 mises en examen et 73 placées en détention provisoire, a précisé le patron du Service interdépartemental de la police judiciaire (SIPJ13) Philippe Frizon, lors d'une conférence de presse.
"Les problèmes ne seront pas réglés demain matin mais nous avons des résultats", s'est de son côté félicité le procureur de la République de Marseille Nicolas Bessone, pour qui "le nombre de personnes incarcérées depuis le 1er octobre affaiblit évidemment l'organisation", longtemps cantonnée au narcotrafic et dont le conflit sanglant avec un autre gang serait derrière la plupart des 72 narchomicides enregistrés à Marseille depuis presque deux ans.
Tentative d'extorsion de fonds contre le rappeur SCH, dont l'un des proches a été assassiné fin août près de Montpellier, racket de commerces, restaurants ou boîtes de nuit: pour le procureur, deux affaires marquent "l'extension du domaine d'activité" de la DZ Mafia au-delà du trafic de drogues et de sa région d'origine, permettant de démontrer ses liens avec le "banditisme traditionnel".
Dans ces deux affaires, jugées "emblématiques" car liées par des "commanditaires communs" de la DZ Mafia, les enquêtes ont abouti à la mise en examen de 44 personnes, dont 31 ont été placées en détention provisoire et 13 sous contrôle judiciaire.
- "Capacité de projection" -
"Des membres de l'équipe qui a attenté à la voiture dans laquelle devait se trouver SCH étaient les mêmes que ceux qui ont menacé le patron de l'établissement de nuit" le First à Cabriès, au nord de Marseille, a déclaré M. Bessone, qui a précisé que le célèbre rappeur, de son vrai nom Julien Schwarzer, avait expliqué "faire l'objet de tentatives d'extorsion de clans criminels marseillais depuis environ un an et avoir toujours refusé de s'acquitter d'un quelconque paiement". SCH a également fait état de "menaces de mort qui l'avaient contraint à changer ses habitudes de vie".
Dans l'affaire de racket visant le propriétaire de commerces, d'un restaurant et d'une discothèque, cibles tour à tour d'incendie ou de tirs à l'arme de guerre, les malfaiteurs exigeaient qu'il leur cède son contrat de location, leur verse une "compensation" de 300.000 euros et passe par leur "booker, membre éminent de la criminalité organisée Corse" pour faire venir des artistes dans sa discothèque.
En outre, même si ce phénomène n'est pas nouveau, les enquêteurs ont relevé ces derniers mois "la capacité de projection" de l'organisation marseillaise dans la région de Montpellier, de Lyon mais aussi "jusque dans des pays étrangers, comme l'Espagne pour commettre un certain nombre d'homicides".
Selon le procureur, les récentes vagues d'interpellations sont le fruit d'"un travail de longue haleine pour (...) ne pas se contenter d'avoir que les exécutants mais essayer de remonter au sommet de l'organisation".
Il a par ailleurs confirmé qu'une des figures présumées de la DZ Mafia déjà en détention était apparemment impliquée dans les récentes menaces de mort contre la directrice de la prison marseillaise des Baumettes et un de ses adjoints.
Objets d'un "contrat", ces deux responsables pénitentiaires ont été temporairement éloignés de leurs fonctions et placés sous protection, une situation qualifiée vendredi d'"exceptionnellement grave" par le ministère de la Justice.
Vendredi soir, le parquet de Marseille a annoncé la mise en examen et l'incarcération provisoire de deux hommes, âgés de 17 et 21 ans, interpellés armés dans le secteur de la prison, en lien possible avec cette affaire.
Les violences liées aux trafics de drogue dans la région marseillaise ont fait 23 morts depuis janvier, selon un bilan de l'AFP.
En 2023, le narcobanditisme avait coûté la vie à 49 personnes à Marseille, un sanglant record sur fond de bataille de territoires entre la DZ Mafia et un autre gang de narcotrafic, baptisé Yoda, le premier ayant finalement pris le dessus.
A. Lefebvre--BTZ