Les soutiens de Barnier appellent chaque député à la "responsabilité" face à la censure
Ambiance de fin de règne au lendemain du déclenchement du 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale: menacée par une motion de censure, la coalition de Michel Barnier appelle à la responsabilité pour ne pas faire tomber le gouvernement et éviter un "chaos" politique et budgétaire.
La séance de questions au gouvernement prévue dans l'après-midi à l'Assemblée promet d'être tendue, alors que les députés seront appelés dans la semaine à se prononcer sur une motion de censure qui a toutes les chances d'être approuvée, la gauche et le Rassemblement National ayant annoncé qu'ils la voteraient.
Baroud d'honneur ou tentative ultime d'éviter la chute ? Mardi soir, le Premier ministre en sursis s'est invité à 20H00 sur TF1 et France 2, où il répondra aux questions d'Anne-Sophie Lapix et Gilles Bouleau en direct depuis Matignon, ont annoncé les deux chaînes.
"La chute de Barnier est actée", a proclamé la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot. Nommé le 5 septembre, il aura tenu trois mois grâce au "soutien sans participation du RN" et, "ce qui le fera tomber, c'est justement que le RN aura cessé de le soutenir", a souligné le député PS Arthur Delaporte.
Lundi, le Premier ministre a engagé sans surprise la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), assurant avoir été "au bout du dialogue" avec les groupes politiques, y compris le Rassemblement national.
Voter la censure, "c'est notre devoir", a confirmé mardi l'un de ses principaux lieutenants, le député Jean-Philippe Tanguy sur Europe1/Cnews. "Nous n'allons pas confier davantage les cordons de la bourse de la France à des gens qui sont incapables".
Mardi matin, les ministres se sont succédé sur les radios et télévisions pour agiter le risque du "chaos". "C'est le pays qu'on met en danger", s'est inquiété le ministre de l'Économie Antoine Armand.
"Est-ce qu'on veut vraiment le chaos ? Est ce qu'on veut une crise économique qui touchera les plus fragiles ? ", a lancé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur TF1. Le puissant locataire de Beauvau a même fait "le pari qu'avec Michel Barnier, nous parviendrons à écarter la motion de censure".
Mais rien n'est moins sûr. Dans la matinée, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale devrait selon toute vraisemblance décider de la date - sans doute mercredi ou jeudi - du débat et du vote sur les motions de censure déposées par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national.
- "Texte par texte" -
L'adoption par l'Assemblée nationale d'une telle motion serait une première depuis le renversement du gouvernement de Georges Pompidou en 1962. Le gouvernement Barnier deviendrait alors le plus court de l'histoire de la Ve République.
Pour faire chuter le gouvernement, 288 députés devront voter la censure, soit un nombre très largement à la portée d'une alliance de circonstances entre la gauche et le RN.
Si l'exécutif tombait, la France s'enfoncerait encore plus dans la crise politique créée par la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin. Sur les marchés financiers, les taux d'intérêt auxquels emprunte la France se sont tendus face aux incertitudes sur le gouvernement et la capacité du pays à réduire les déficits.
L'Élysée n'a fait aucun commentaire sur la nouvelle donne politique, alors qu'Emmanuel Macron a atterri lundi à Ryad pour une visite d'État de trois jours en Arabie saoudite. Mais c'est bien le chef de l'État qui aura rapidement la main car, si le scénario d'une censure se confirme, il devra nommer un nouveau Premier ministre.
A gauche, on rejette le procès en irresponsabilité.
"Ne disons pas que si cette motion de censure est votée, tout va s'effondrer: c'est si elle n'est pas votée que ça continuera", a avancé la cheffe des Écologistes Marine Tondelier sur franceinfo, pointant un budget qui "aurait des conséquences absolument délétères sur la vie quotidienne des Français".
"C'est le Front populaire au gouvernement et le Front républicain à l'Assemblée. C'est ainsi qu'on peut progresser", a défendu le premier secrétaire du PS, Olivier Faure sur BFMTV-RMC, rappelant que son parti appelait à la recherche de "compromis texte par texte" sur la base d'un "projet de gauche" dans une Assemblée complètement fracturée.
En attendant, le Sénat continue de débattre mardi du budget de l'État - texte sur lequel le recours au 49.3 semblait de toute façon également inévitable.
Et une commission mixte paritaire (CMP), associant sept députés et sept sénateurs, doit se pencher sur le budget de "fin de gestion" pour 2024, qui permet au gouvernement de fixer d'ultimes ajustements budgétaires pour l'année en cours.
F. Schulze--BTZ