A69: la justice va trancher sur une possible suspension du chantier
Le tribunal administratif de Toulouse a examiné lundi le dossier controversé de l'autoroute A69, la rapporteure publique se prononçant pour une annulation des autorisations du chantier qui entraînerait la suspension des travaux entamés en 2023 en Occitanie.
Cette magistrate indépendante, dont les avis sont souvent suivis, a demandé, peu après le début de l'audience, "l'annulation dans leur intégralité des autorisations environnementales" concernant l'autoroute Toulouse-Castres qui fait l'objet depuis plusieurs mois d'une vive opposition des écologistes.
Il n'y a pas de "raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM)" justifiant la construction de l'A69, a ainsi déclaré Mona Rousseau, la rapporteure publique dans ce dossier.
Elle a notamment jugé "excessif" d'invoquer une "véritable situation d'enclavement" du sud du Tarn.
L'avocat d'Atosca, le concessionnaire de l'A69 en charge des travaux, Carl Enckell, s'est inscrit en faux contre cet argument, estimant, entre autres, qu'"on ne se rend pas compte de la dépendance des habitants périurbains à la voiture".
Le "désenclavement" de la partie méridionale du département est souvent mis en avant par les partisans de l'A69, comme le président PS du conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond, le député macroniste Jean Terlier ou la présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga.
La rapporteure publique a également souligné que le gain de temps d'une vingtaine de minutes entre Toulouse et Castres permis par cette autoroute payante s'accompagnerait d'une "dégradation" de la route gratuite.
En effet, a-t-elle noté, cet "itinéraire de substitution" traverserait à nouveaux les bourgs tarnais de Soual et Puylaurens car leurs contournements, aujourd'hui gratuits, seraient intégrés dans l'A69.
Me Enckell a en revanche estimé qu'abandonner le projet d'A69 reviendrait à "enterrer toute possibilité d'amélioration de la desserte" du sud tarnais.
- Les opposants espèrent une "décision audacieuse" -
L'avocate des opposants au projet, Alice Terrasse, a invité le tribunal à "rendre une décision effectivement audacieuse", compte tenu des "intérêts financiers" et des "lobbys qui sont derrière".
Peu avant le début de l'audience, plus de 200 opposants à l'A69 s'étaient rassemblés lundi matin devant la gare Matabiau, près du tribunal, "pour exprimer pacifiquement (leur) confiance en la justice", ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Stop à l'A69 et son monde", "La santé avant l'argent" ou "Les gens demandent la justice", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les manifestants.
Ces opposants dénoncent la destruction de zones humides, terres agricoles, arbres, écosystèmes et nappes phréatiques, et soulignent que l'actuelle route nationale est loin d'être saturée.
- Jugement sous quinzaine -
Le tribunal administratif de Toulouse rendra sa décision sous une quinzaine de jours.
L'audience a porté sur quatre recours contre le projet d'autoroute dont deux demandes d'annulation d'arrêtés préfectoraux autorisant les liaisons autoroutières A69 et A680 (lien entre l'actuelle autoroute A68 et la future A69) présentées par France Nature Environnement.
Le fait que ces recours n'aient pas été jusqu'ici examinés était l'un des principaux arguments des écologistes contestant le chantier pour s'opposer à sa poursuite.
La construction de l'A69, une portion d'autoroute de 53 km, fait l'objet depuis plusieurs mois d'une vive contestation ponctuée d'importants rassemblements émaillés de heurts entre opposants et forces de l'ordre.
Le concessionnaire Atosca affirme avoir porté plainte plus de 150 fois pour des dégradations sur le chantier qui s'étend sur des dizaines de kilomètres.
Les opposants ont aussi fait état d'incendies qu'ils considèrent intentionnels, amenant le parquet de Toulouse à ouvrir deux enquêtes pour "dégradation par incendie" en août et septembre sur ce qui était encore à l'époque une "Zone à défendre" (ZAD) occupée par des militants anti-A69 à Verfeil (Haute-Garonne).
Le 7 octobre, cette dernière ZAD du chantier a été démantelée, les forces de l'ordre parvenant à déloger les ultimes "écureuils", militants perchés dans les arbres de la zone de travaux, afin d'empêcher leur abattage.
O. Joergensen--BTZ